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18/12/2024
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La toute nouvelle salle du CaféMusic à Mont-de-Marsan était comble pour la première conférence des territoires du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), coorganisée avec le Département des Landes. Preuve de l’impatience des personnes en situation de handicap, de leurs proches et des associations, près de 20 ans après la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Celle-ci avait notamment instauré la Prestation de compensation du handicap (PCH) et imposé l’accessibilité dans toutes les strates de la vie collective (bâtiments, transports, espaces publics, voirie, moyens de communication, exercice de la citoyenneté). Deux décennies plus tard, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour la pleine participation des personnes en situation de handicap dans la société.
« L’accessibilité est une obligation (…) et l’absence d’accessibilité est un délit », a martelé Jérémie Boroy. S’inspirant de la reconstruction express de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le président du CNCPH, sourd de naissance, est persuadé que l’objectif de 100 % d’accessibilité est atteignable s’il devient véritablement une cause nationale.
Balayant le débat sur la création ou non d’un ministère du handicap au gouvernement, le président du CNCPH souhaite que la participation des personnes et l’accessibilité irriguent toutes les politiques gouvernementales : « plus que de savoir s’il y aura ou non un ministre du handicap, je veux savoir ce que le futur ministre de l’Éducation nationale, le ou la future ministre de la Santé, des Transports, de l’Intérieur, des Affaires étrangères, etc., auront sur leur feuille de route pour très rapidement, très concrètement, mettre en œuvre l’accessibilité et garantir l’accès de tous aux droit commun ».
Une approche systématique que Xavier Fortinon entend infuser dans tous les services du Conseil départemental en faisant « du handicap une politique transversale, et non une politique unique. Il faut que cela traverse toutes les politiques, qu’elles soient sportives, éducatives, culturelles ou en matière d’autonomie ». C’est le premier engagement qu’il prend pour sa collectivité.
Les témoignages, engagés et souvent émouvants, entendus lors des deux tables rondes consacrées aux jeunes et aux sportifs landais en situation de handicap révèlent que les attentes vont bien au-delà des seules compétences du Département. Laura, étudiante en Master Cadre du secteur sanitaire, social et médico-social (C3S) à l’université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA), résume l’ampleur de la tâche : « derrière la notion d’accessibilité, on pense souvent à l’accessibilité des locaux mais c’est plus général : cela peut être l’environnement physique, les transports, l’information, la communication, (…) c’est l’accès aux droits communs, ce n’est pas chacun son droit et chacun de son côté ».
Jeune étudiante en situation de handicap (malvoyante et avec des difficultés physiques dans ses déplacements), la montoise Aurore Bouverat, 19 ans, apprécie l’anonymat de l’amphithéâtre de sa licence de japonais à Bordeaux Montaigne. Mais elle a aussi raconté, avec un naturel touchant, son stress avant son entrée à l’université, la concentration nécessaire pour aller de son logement à la fac, ses difficultés d’orientation dans les vastes bâtiments. Sans parler des démarches administratives : « j’avais un service qui m’a suivi durant toute ma scolarité et qui mettait les choses en place. Maintenant, c’est à moi d’aller voir le pôle handicap pour leur dire mes besoins ».
Porteur d’un trouble du spectre de l’autisme, Pierre Destarac, 26 ans, a lancé cette année le Groupe d’entraide mutuelle (GEM) « J’aime TSA » pour adolescents et adultes autistes de l’agglomération montoise. Loisirs, aides au permis de conduire, interventions auprès des collèges ou des opérateurs culturels : le jeune homme originaire de Grenade-sur-l’Adour déborde d’énergie et d’idées.
Il s’attaque désormais à l’épineuse question de l’accès aux formations et à l’emploi avec la création d’un CEISP (collectif d'entraide à l'insertion sociale et professionnelle). Avec pour objectif de développer la sociabilisation des personnes TSA par l’activité professionnelle et l’acquisition de compétences : « ce n’est pas une critique mais on a beaucoup d’ESAT (Établissement et service d’accompagnement par le travail, ndlr) où les ateliers sont les espaces verts, le bricolage, la cuisine, toujours la même chose. Si vous n’aimez pas, vous êtes mal barrés et nous on veut faire quelque chose d’un peu plus ouvert, notamment en accompagnant les lycéens ou les étudiants dans la recherche de stages pour mettre en corrélation la scolarité avec le travail ».
Deux constats de carences du système éducatif qui ont fait admettre à Françoise Tahéri, préfète des Landes, la nécessité de « travailler sur l’enseignement supérieur, technique et technologique pour faire en sorte que le projet de chacun puisse se concrétiser ».
Quant à l’intégration dans l’emploi, Marie, autre étudiante en Master C3S à Pau, se veut ambitieuse : « l’objectif c’est de viser une conception universelle sur un poste de travail, que n’importe qui puisse avoir accès à un poste de travail et que ça soit toujours adapté, et pas pensé pour une personne sans handicap ».
Fidèle parmi les fidèles des activités sportives organisées par le SSID (Service sports, intégration et développement), Mireille Degert, dynamique sexagénaire dacquoise souffrant de cécité, pointe la problématique des transports : « pour venir à Mont-de-Marsan, il me faut parfois trois bus, avec les correspondances. C’est toujours du stress ».
Les axes d’amélioration sont multiples et devront mobiliser l’ensemble des acteurs impliqués dans la question du handicap. Ce qui a poussé Xavier Fortinon à appeler les partenaires institutionnels et associatifs du Département à « définir en commun un agenda partagé des politiques publiques ».
Dans son style direct et sans filtre, Pierre Destarac a exhorté les différents décideurs à « arrêter de parler à la place des personnes handicapées et à venir nous consulter avant de monter leurs projets ». Un message bien compris par Xavier Fortinon, qui s’est engagé à « renforcer le niveau de participation des Landaises et des Landais qui sont concernés (…) Ce sont quand même eux qui sont le plus à même de faire part de leurs difficultés et surtout de nous donner des réponses ».
Partisan d’une participation sociale pleine et entière, Jérémie Boroy va plus loin encore : « c’est important de solliciter l’avis des personnes handicapées sur les sujets du handicap mais c’est tout aussi important, voire plus, de permettre cette participation sur tous les sujets ».
À Mireille Degert qui se plaignait de la complexité des démarches pour valider une licence handisport en ligne, Xavier Fortinon a répondu par une promesse : « faire en sorte que l’ensemble de nos ressources numériques et de nos sites soient accessibles aux personnes handicapées » pour fin 2025.
Le tableau est plus réjouissant concernant le sport adapté et le handisport dans les Landes, même si Perle Bouge, qui vient de disputer ses 4e Jeux Paralympiques, a regretté que « quand il y a 30 élèves dans une classe et qu’il y a un enfant en situation de handicap, souvent il est dispensé de sport ». Néanmoins, à l’image des autres sportifs invités à la table ronde consacrée à l’héritage des Jeux de Paris, la double médaillée olympique de para aviron a salué le formidable travail du SSID : « la spécificité est que les acteurs du sport adapté et du handisport travaillent ensemble, quel que soit le handicap. Je pense que c’est une force, c’est unique en France ».
Pour autant, le président du Conseil départemental souhaite franchir un cap supplémentaire en intégrant les personnes en situation de handicap « dans les encadrements des clubs sportifs, dans les comités départementaux et dans la formation à l’arbitrage ».
Les deux derniers engagements de Xavier Fortinon induisent des horizons plus lointains. Tout d’abord, le président du Département a indiqué « refuser les parcours assignés en places médico-sociales ». Cela passe par une alternative à une place en établissement mais aussi au fait de pouvoir proposer d’autres options aux personnes qui sont en établissement et qui peuvent avoir envie d’avoir un autre parcours résidentiel et social, comme tout un chacun. Ce sujet est complexe car il est au cœur des inquiétudes des familles pour le futur de leurs enfants mais il en va en même temps de la demande d’émancipation sociale des personnes concernées.
Ce modèle historique du médico-social se heurte de plus en plus à la « volonté de la majorité des personnes en situation de handicap » qui est « d’avoir une vie identique à tout le monde et de pouvoir avoir un logement, adapté certes, mais au milieu de la société ». Quelques opérations de logements inclusifs dans les centres-bourgs esquissent un changement de mentalité.
Enfin, Xavier Fortinon a déclaré vouloir s’appuyer sur le réseau Landes Innovation afin d’imaginer des solutions qui permettraient à terme « d’améliorer l’accessibilité dans les bâtiments et les espaces publics ».
La mise en application de ces engagements ne sera pas chose aisée. Face aux obstacles, les personnes investies dans ces actions au long cours pourront utilement se remémorer les paroles pleines d’optimisme et de détermination d’Aurore Bouverat, la jeune étudiante montoise : « on est un peu les combattants de la vie. (…) On peut trouver ça répugnant, une main différente, un bras en moins, mais il faut se dire que c’est une richesse. Tout le monde est magnifique en soi, et les personnes en situation de handicap d’autant plus, parce qu’on se bat intérieurement avec nous-mêmes pour nous accepter. On se bat contre les autres, avec les autres. Cette conférence en est la preuve, on est là pour montrer qu’on peut y arriver et qu’il y a beaucoup de monde avec nous. Il faut que les jeunes croient dans leur pouvoir et tout va bien se passer ! »
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