Cette fonctionnalité n'est disponible qu'aux utilisateurs disposant d'un compte personnel.
Veuillez vous connecter ou créer un nouveau compte
Attention !
Cette fonctionnalité n'est disponible qu'aux utilisateurs disposant d'un compte personnel.
Veuillez vous connecter ou créer un nouveau compte
09/04/2025
514 vues
Catégorie(s) de la page :
Durant deux jours, une belle énergie a parcouru les travées du Pôle de Saint-Pierre-du-Mont. Pour reprendre les mots de Philippe Ducalet, vice-président de l’Institut Formation Développement et bienveillant maître de cérémonie, « une belle communauté de sens et d’expériences » a réuni près de 230 participants – personnes avec troubles du spectre de l’autisme, familles, professionnels, associations et élus. Les Rendez-vous landais de l’autisme sont devenus incontournables pour renforcer les liens, faire le point des progrès ou souligner les manques persistants.
On se donne des nouvelles, on se conseille, on s’épaule. Maman d’Alexandre, 17 ans et diagnostiqué il y a seulement deux ans et demi, Laurianne Hirigoyen puise dans ce rassemblement de précieux exemples pour affronter une situation déstabilisante : « les témoignages nous ont aidés à comprendre l’attitude de notre fils. C’est normal s’il ne sourit pas naturellement et nous avons appris à lui reformuler autrement nos demandes ». C’est aussi l’occasion pour les différentes familles de l’autisme de se rencontrer et de mesurer la diversité des problématiques. « J’ai appris des choses sur la communication non verbale », confie ainsi Élise Le Hir, membre du Groupe d’entraide mutuelle (GEM) IriDsens et co-locataire depuis mars 2023 d’un habitat inclusif pour 4 personnes avec TSA à Parentis-en-Born.
Ces rendez-vous annuels donnent aussi une visibilité aux structures émergentes et leur ouvrent des portes, comme en témoignent Océane Gallois et Élodie Darricau, respectivement neuropsychologue et éducatrice spécialisée au Samsah1« Chacun sa vie, chacun sa réussite », piloté par l’Algeei2, qui accompagne 10 jeunes de 15 à 25 ans dans tout le département (Dax, Aire-sur-l’Adour, Gastes, Seignosse, Mont-de-Marsan, etc.) : « on est mieux identifié et on a pu multiplier les partenariats dans le médico-social , la santé, la culture, le sport, les loisirs. Dans notre travail au quotidien, ça nous facilite la vie ».
Architecte-conseil et membre du conseil scientifique du projet « Chacun sa vie, chacun sa réussite », Karima Mahi insiste sur la philosophie participative de ces rencontres : « c’est un mix d’interventions très instructives et de moments très conviviaux. Ce n’est pas déconnecté de la réalité du terrain grâce à des témoignages de tous bords. Les personnes autistes sont impliquées de même que leurs parents ».
Le fil rouge est vraiment de porter un regard positif sur l’autisme et de mettre en avant les capacités créatives des personnes avec TSA, comme le prouvent les diverses expositions présentées dans le hall du Pôle : photographies de l’atelier Sam’Art animé par Sarah Sammartano, mélanges de matières et de peintures réalisés par les résidents du Foyer Les Cigalons de Lit-et-Mixe ou encore jeu de société conçu par les Jardins de Nonères, en collaboration avec les étudiants de l’École supérieure de design des Landes.
Tout aussi inspirant, le documentaire Calme extérieur retrace le parcours extraordinaire de Vincent Helly, diagnostiqué autiste sévère à 4 ans, qui a pu, mû par sa dévorante passion pour le golf, surmonter une partie de son handicap jusqu’à devenir champion de France de paragolf.
Certains jeunes autistes s’emparent de sujets de société, à l’image de la compagnie A du Tipi (portée par le GEM IriDsens de Biscarrosse), qui a tourné le court métrage Des cygnes invisibles pour aborder la question du harcèlement scolaire. À l’issue de la projection, Renaud Geoffroy a raconté comment, plus jeune, il s’autocensurait par peur du harcèlement, avant d’appeler à plus d’intégration des personnes autistes dans la société par le biais du sport ou de la culture : « il faut faire de l’émulsion, mélanger les deux mondes, neuro-atypique et neurotypique ». Un cri du cœur qui a visiblement impressionné les élèves de CM2 de Saint-Médard à Mont-de-Marsan, invités à assister aux débats. Leurs nombreuses questions confirment que sensibiliser le plus grand nombre, et notamment les plus jeunes, à la cause de l’autisme est une très bonne idée.
Au fil des rendez-vous, le programme, construit avec les publics concernés et leur entourage, s’affine pour coller à leurs attentes et à leurs besoins. « Cette édition était plus percutante, plus riche, notamment sur les thèmes des ateliers et sur l’intervention du professeur belge Éric Willaye sur les comportements-défis3 », valide Armelle Cargueray, coordinatrice de l’habitat inclusif La Panolha à Labatut, qui accueille, depuis octobre 2023, 6 jeunes autistes très sévères.
« La famille est au centre et on reconnait ses compétences », relève pour sa part Nathalie Lapassouse, maman de Théo et co-fondatrice de l’association Coloc’ADHI qui porte un projet d’habitat partagé à Morcenx-la-Nouvelle. Son alter ego Carla Buytaert pointe une autre évolution positive : « les professionnels nous parlent davantage de formations et d’outils, c’est moins abstrait ».
Lors de la restitution des trois ateliers (bien-être, vie affective et sexualité, communication), Rutger van der Gaag, professeur de pédopsychiatrie à l’université Radboud de Nimègue (Pays-Bas) et membre du conseil scientifique de « Chacun sa vie, chacun sa réussite », a tenu à souligner la qualité des échanges : « les gens étaient à l’écoute les uns des autres. Il y avait un environnement très sécure où chacun pouvait dire ce qui le tracassait ».
De cette émulation, sont ressorties de nombreuses suggestions. En vrac : un catalogue de propositions culturelles, artistiques et sportives pour favoriser le bien-être des personnes avec TSA ; une Maison landaise de la communication, où on trouverait tous les outils et méthodes pour faciliter les interactions ; une table ronde pour tous les professionnels qui gravitent autour du thème de la vie affective et de la sexualité ; un bus itinérant pour encourager le dialogue sur cette thématique encore trop rarement abordée…
Hélas, d’une idée à sa concrétisation, il se passe souvent beaucoup de temps et c’est un luxe pour ceux qui sont confrontés aux cas les plus complexes, comme Armelle Cargueray à La Panolha : « cela ne nous aide pas dans le concret au quotidien pour des cas aussi complexes que les nôtres, face auxquels on peut parfois se trouver démuni. Cela paraît difficile de coordonner tout ce qui est envisagé. La mise en œuvre d’une Maison landaise de la communication, par exemple, nécessite beaucoup de moyens et de temps ».
Xavier Fortinon, président du Conseil départemental, n’en est que trop conscient : « quand on voit le temps qu’il faut à nous, institutions publiques, alors que vous, familles, êtes confrontés à l’immédiateté au quotidien… » Et de citer le campus autisme, cœur du projet « Chacun sa vie, chacun sa réussite », qui nécessitera plus de huit ans entre la constitution du conseil scientifique en 2020 et l’ouverture du site pour 15 jeunes autistes âgés de 15 à 25 ans, en 2028-2029. L’élu dénonce également les réticences qui perdurent, notamment à l’école : « le fait de mettre dans des mêmes cours des élèves qui ont des différences est plus ou moins bien accepté. Ce qui nous semble naturel ne l’est pas pour tous ».
Dans cet ordre d’idées, Renaud Geoffroy – qui n’a pas hésité à monter sur scène pour donner son CV au président du Département – déplore le manque d’un « relais tout au long de la vie d’une personne TSA, quelqu’un qui ferait le lien entre les différentes étapes, de l’école au collège puis au lycée puis dans l’âge adulte ». À ses côtés, Élise Le Hir abonde : « on parle beaucoup des enfants mais ils grandissent et deviennent adultes ». Autre membre du GEM IriDsens, Guillaume Bedin stigmatise les difficultés d’accès à l’emploi : « il faut faire le lien entre les professionnels de santé spécialisés dans l’autisme et le monde de l’entreprise. La pair aidance4 permettrait de suivre ce fil ».
Catherine Barthélémy, présidente du conseil scientifique du projet « Chacun sa vie, chacun sa réussite », entend ces impatiences qui « portent des messages très forts à nos décideurs mais aussi aux générations à venir. On peut reconsidérer certains points, en se comprenant mieux et en construisant le futur ».
Pour autant, un élan a été donné. Pierre Destarac, président du GEM J’aime TSA à Mont-de-Marsan, fourmille d’idées et d’espoirs : « il y a une très bonne évolution dans le partenariat et les projets qui voient le jour dans le territoire, comme notre initiative sur le permis avec l’ALPCD5. On est aussi en train de faire naitre avec AFG Autisme et d’autres partenaires un projet de collectif d’entraide à l’insertion sociale et professionnelle. On rédige une réponse à l’appel à projet de l’ARS (Agence régionale de santé). On espère un retour favorable pour une ouverture entre juillet et septembre ».
Le Département continue d’accompagner les projets d’habitat inclusif pour des personnes avec un TSA. Les initiatives portées par l’Algeei à Saint-Perdon (6 places), par Coloc’Adhi à Morcenx (7 places) et par les PEP40 et Bisc’Atypique à Biscarrosse (6 places) devraient se concrétiser en 2026 ou 2027. « L’ambition est de créer un mouvement d’ensemble pour accompagner tout le dispositif médico-social landais à progresser dans l’accompagnement de ces jeunes TSA », éclaire Sandrine Egger, référente autisme au Département.
Côté Campus autisme, le cabinet d’architectes devrait être connu dans les tout prochains jours. En attendant l’ouverture du site, le projet avance sur l’accompagnement des jeunes autistes destinés à intégrer ce lieu de vie temporaire et ouvert sur l’extérieur, conçu comme une passerelle entre l’adolescence et l’âge adulte. Afin de les préparer progressivement à vivre en communauté hors de leur famille, le Samsah « Chacun sa vie, chacun sa réussite » a mis en place un « appartement d’apprentissage » fin 2024. L’étape suivante, prévue pour septembre 2025, est l’acquisition par l’Algeei d’une nouvelle maison à Mont-de-Marsan qui permettra l’hébergement temporaire de 5 jeunes suivis par le Samsah. Ils y seront accompagnés dans leur prise d’autonomie par une équipe dédiée. Le Département et l’ARS financeront cette avancée.
À l’instar de ce qui a été fait pour le Village Landais Alzheimer, « Chacun sa vie, chacun sa réussite » a vocation à soutenir la recherche dans le domaine de l’autisme. « On fait ce projet pour que cela apporte de la connaissance, afin cela puisse se développer ailleurs », revendique Xavier Fortinon. Le Département va donc cofinancer un projet de recherche qui devrait être conduit avec une chercheuse de l’Inserm6. Cette démarche aura pour ambition d’étudier les facteurs qui concourent au mieux-être de jeunes avec un trouble du spectre de l’autisme. Ses résultats devraient pouvoir être communiqués à un niveau national, voire international.
Pour conclure cette 4e édition, Xavier Fortinon a dévoilé le logo du projet « Chacun sa vie, chacun sa réussite », se félicitant qu’il « témoigne de la diversité, de la différence et du sujet central : l’autisme ». L’assistance croissante de ces Rendez-vous landais de l’autisme y aura trouvé une bannière colorée sous laquelle se rassembler. Ou, comme le dit joliment Rutger van der Gaag, « un nuage de rêves où chacun aura sa place ».
1 Samsah : Service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés
2 Algeei : Association laïque de gestion d’établissements d’éducation et d’insertion
3 Éric Willaye est professeur à la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Mons, en Belgique. Il est également le directeur général de la Fondation SUSA (Service universitaires spécialisé pour personnes avec autisme). Sa conférence s’intitulait Comportements-défis, aussi une affaire de prévention
4 Pair aidance : un accompagnement, un soutien et une aide apportés par une personne ayant une expérience de vie et de rétablissement avec une maladie, des troubles ou un handicap à une autre personne vivant une expérience similaire (source : GHU Paris)
5 ALPCD : Association landaise pour le perfectionnement des conducteurs débutants
6 Inserm : Institut national de la santé et de la recherche médicale
Pour aller plus loin
Les sites du département