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20/06/2024
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Le 14 septembre 1961, dans sa Nouvelle Faïencerie de l’Adour du quartier du Péré à Saint-Sever, Louis Dage enfourne sa dernière céramique, va se coucher et décède dans son lit à l’âge de 76 ans. La manufacture est abandonnée en 1970, le matériel est pillé et les bâtiments sont rasés en 1977. Il ne reste plus rien localement d’une entreprise qui contribua pourtant à raviver le souvenir de la Manufacture royale de Samadet du XVIIIe siècle.
Selon sa responsable Alizée Le Pannérer, le Musée départemental de la faïence et des arts de la table de Samadet a « voulu réparer cette lacune » en mettant sur pied la première exposition consacrée à cet artiste tombé dans l’anonymat. Un juste retour des choses pour Rachel Durquéty, vice-présidente du Conseil départemental déléguée à la Culture et au patrimoine : « en reprenant un atelier à Saint-Sever, Louis Dage a rendu hommage à la céramique de Samadet, il est donc normal que ce musée lui rende la pareille ».
Arrivé sur les bords de l’Adour en 1935 après 16 ans d’une carrière déjà prolifique en région parisienne, le céramiste est « connu des antiquaires et des collectionneurs, mais beaucoup moins du milieu de la recherche et du grand public », résume Alizée Le Pannérer. Le premier travail d’étude, dû à l’historienne de l’art Claude Mandraut, date seulement de 2014. La responsable du musée de Samadet énumère trois raisons pour expliquer cette absence des ouvrages de référence : « l’impressionnante diversité de sa production ne facilite pas son identification, il a quitté Paris brutalement et ce n’était pas un mondain ou un homme de réseaux ».
Pour cette rétrospective inédite, un corpus exceptionnel de 143 pièces est rassemblé, grâce aux prêts d’antiquaires et de collectionneurs privés, au premier rang desquels Serge et Brigitte Gros, celle-ci étant l’amie d’enfance de la deuxième fille de Louis Dage. Grâce au concours du Musée national de la céramique à Sèvres et du Musée des Arts décoratifs et du Design à Bordeaux, cette présentation est enrichie de 8 œuvres d’illustres céramistes, « pour mettre en valeur la capacité de Louis Dage à absorber les innovations techniques dans une logique de diffusion à grande échelle », éclaire Mme Le Pannérer, avec sa casquette de commissaire scientifique de l’exposition.
Motifs peints, coulures, craquelures, incrustations, superpositions : l’éclectisme assumé de Louis Dage et sa maîtrise des techniques les plus complexes telles que le sang de bœuf - « le Graal des céramistes » -, traduisent « un insatiable goût de l’expérimentation autour de l’émail », analyse la responsable du musée de la faïence. Une inventivité qui lui permit par exemple de faire face, durant la seconde Guerre mondiale, à la pénurie de matériaux en intégrant des graviers de l’Adour à ses pièces.
Le parti-pris chronologique de la scénographie illustre à quel point l’artiste, né à Lille en 1885, passé par Antony de 1919 à 1934 avant de terminer sa carrière à Saint-Sever à partir de 1935, a su s’adapter à la succession des mouvements artistiques en vogue. « Ce n’est pas seulement le parcours d’un homme et d’un artiste original mais c’est aussi l’histoire des techniques céramistes », synthétise Rachel Durquéty.
Ses années de formation dans le Nord et en Belgique plongent le jeune céramiste « dans une esthétique Art nouveau où dominent la courbe et le monde végétal, un courant qui réagit à l’ère industrielle et qui l’influencera toute sa vie », indique Alizée Le Pannérer. Après la première Guerre Mondiale, Louis Dage s’installe à Antony en région parisienne où il dirige des ateliers avec différents associés. Ses pièces révèlent la montée en puissance de l’Art déco, un mouvement associant stylisation et géométrie des motifs. Les années 20 marquent un envol commercial, avec une diffusion de ses productions au Printemps ou à la Samaritaine, « un peu sur le principe de l’art pour tous ».
En 1935, virage brutal : probablement pour rompre avec une situation familiale problématique, Louis Dage quitte la région parisienne et rachète la Faïencerie de l’Adour à Saint-Sever. Un choc culturel sans doute, mais le sens de l’adaptation et le flair commercial du céramiste font une nouvelle fois merveille. « Il réinvente la faïence de Samadet, s’en réapproprie les motifs avec des couleurs et des formes de l’Art déco », relève la commissaire scientifique d’Absolument céramique !
Dans les années 50, la Nouvelle Faïencerie de l’Adour doit composer avec des difficultés économiques et un isolement artistique qui expliquent une évolution vers une production destinée à une clientèle touristique. « On souhaite réhabiliter cette période parce qu’il est complètement dans ce vent de liberté d’après-guerre avec de la fantaisie, de la couleur et la libération de la forme. Il va par exemple coller des perles sur ses céramiques », justifie Alizée Le Pannérer.
En retraçant plus de 50 ans de création, Absolument céramique ! dessine « un parcours sensoriel, foisonnant, presque sensuel », s’enthousiasme Rachel Durquéty, heureuse que l’exposition s’installe à Samadet pour deux ans, jusqu’en novembre 2025, afin de « rendre accessible aux Landaises et aux Landais l’inventivité d’un homme qui a cherché aussi à démocratiser son art pour le mettre à la portée de la population locale ».
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