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31/03/2025
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Les premiers cahiers citoyens ont fleuri sur les ronds-points occupés par les Gilets jaunes à partir de l’automne 2018. Puis, à partir de décembre 2018, de nombreuses communes ont donné à leurs habitants la possibilité de s’exprimer, à l’instigation de maires d’Île-de-France puis de l’Association des maires ruraux de France puis du Président de la République, afin de nourrir le Grand Débat National, ouvert du 15 janvier au 15 mars 2019. Les préfectures ont ensuite collecté ces cahiers pour les numériser et transmettre les fichiers au niveau national. Parallèlement, les originaux papier ont été versés aux Archives départementales.
Dans les Landes, 200 « cahiers de doléances et d’expression libre » ont été rassemblés, ce qui représente deux-tiers des communes. Remis aux Archives départementales en mars 2019, ils ont été classés en un temps record pour être consultables par le grand public dès fin avril. Toutefois, une demande de dérogation préalable est nécessaire pour certains documents possédant un délai de communicabilité de 50 ans, car contenant des informations pouvant nuire à la protection de la vie privée de leurs auteurs. Rachel Durquéty, vice-présidente du Département déléguée à la Culture, a tenu à souligner la réactivité des Archives des Landes, bien dans l’esprit de leur mission de service public : « collecter, classer, conserver, communiquer », notamment à travers « des expositions de grand intérêt ».
Si dans une grosse vingtaine de communes comme à Campet-Lamolère, Montsoué, Oeyreluy, Saint-Lon-les-Mines ou Tosse, les cahiers sont revenus vierges, Solférino détient la palme du taux de contributions avec 1,93 % de la population. Les documents revêtent différentes formes, du petit cahier d’écolier (Mimizan, Saint-Paul-en-Born) au livre d’or (Saint-Martin de Seignanx). La présentation est elle aussi variable, avec une explication en première page à Saint-Pierre-du-Mont, un guide d’utilisation à Biscarrosse et une organisation thématique à Grenade-sur-l’Adour, Goos ou Soorts-Hossegor.
Certaines contributions sont manuscrites, d’autres ont été écrites sur ordinateur puis collées sur le cahier. Le ton des témoignages fluctue également, de « doléances parfois intimes à des contributions plus structurées où les éléments sont présentés point par point », révèle Alice Motte. Pour la directrice des Archives départementales, il est difficile de mettre un âge ou un genre sur ces écrits, même si le nombre de références aux retraites peut laisser penser que « pas mal de séniors se sont exprimés ». Mais on trouve également la participation d’un jeune actif à Mimizan et d’un sans-abri à Mont-de-Marsan.
Quoi qu’il en soit, conclut Alice Motte, ce corpus est « un formidable terreau pour une exploitation », « une matière très riche, très diversifiée, à analyser dans le contexte local, au plus près des personnes qui ont contribué ».
Pourtant, depuis leur mise à disposition en avril 2019, « personne n’est venu aux Archives départementales consulter ces cahiers qui traduisaient néanmoins une volonté d’expression forte d’un certain nombre de citoyens », relève Xavier Fortinon. Le président du Conseil départemental déplore surtout que, malgré la promesse du Président de la République, « rien n’a été fait au niveau national » de ces milliers de témoignages. « Très attaché au lien entre l’institution et la population » et fidèle à la politique de « démocratie participative qu’on pratique ici depuis 30 ans », le Département a donc décidé de pallier ce manque d’intérêt de l’État, suivant en cela l’exemple de la Gironde (dès 2020), de la Charente-Maritime et de la Creuse.
Un partenariat a donc été conclu entre le Département des Landes et l’Institut d’études politiques (IEP) de Bordeaux pour la période 2025-2026. Un financement de 50 000 € a été débloqué pour des travaux de recherche sur les cahiers landais, sous la conduite de Magali Della Sudda. Lors du lancement officiel du partenariat lundi 24 mars aux Archives départementales des Landes, la chargée de recherche du CNRS au centre Émile Durckheim de l’IEP de Bordeaux a salué l’initiative landaise, se félicitant de l’opportunité « d’explorer ce corpus et de montrer notre méthode de recherche publique qui n’est pas la même que celle d’organismes privés ».
Jusqu’à la fin du 1er semestre 2025, Thibault Verilhe, étudiant en master de sciences sociales à l’Université de Bordeaux, va effectuer une analyse lexicographique et sémantique des 200 documents landais. Celle-ci sera confrontée aux résultats obtenus en Gironde.
Au cours du second semestre, un post-doctorant, en cours de recrutement, procédera à une analyse plus approfondie. « On va essayer de comprendre les spécificités des territoires, les besoins des habitants et les logiques qui amènent les personnes à contribuer. Pourquoi, par exemple, y-a-t-il si peu de cahiers dans le nord-est du département ? On essaiera de voir à quoi sont liées les demandes. Cela peut être le manque d’équipement, une fermeture d’usine, la difficulté d’accéder au foncier, les effets du changement climatique », explique Magali Della Sudda.
Des restitutions sous forme de débats ou d’ateliers sont prévues tout au long de la période de recherche. Il est encore trop tôt pour déterminer comment la collectivité s’emparera de ce travail de recherche. Mais « il y a certainement des choses que l’on doit changer et l’expression de nos concitoyens peut être utile », anticipe avec prudence Xavier Fortinon.
Pour aller plus loin
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