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Le 3 février 2020 marquera, à n'en pas douter, un grand jour pour tous ces collégiens-musiciens. Dans la salle des fêtes de Gabarret remplie par leurs familles et amis, la plupart des 5e (ils sont 28) seront ce jour-là sur scène pour la première fois de leur vie. « Ca stresse un peu », sourit Anthéa, arrivée fin novembre au collège et qui s'est mise avec entrain aux percussions. La trentaine d'élèves de 4e, eux, connaissent déjà la musique.
La performance qu'ils ont livrée, à peu près à la même époque l'an passé, dans la salle de cinéma archicomble du village, en avait épaté plus d'un. Après seulement quatre mois de pratique à coup de deux heures hebdomadaires d'instruments, les 4 tubas, 4 trombones, 5 cors, 12 trompettes et 5 percussions avaient mis l'ambiance avec le C Jam Blues de Duke Ellington, un mambo, des thèmes de Star Wars, du Queen et un entraînant Smoke on the Water de Deep Purple.
Les mains moites, le trac, la peur des fausses notes, les frissons derrière l'échine d'un beau moment partagé, les mines réjouies aux premiers applaudissements du public debout... tous devraient (re)vivre ces instants cette année pour peu qu'ils aient bien travaillé d'ici là.
Pourtant au début, « quand on m'a dit qu'on allait monter un orchestre, je pensais que ce serait vraiment nul, j'avais pas du tout envie, mais finalement je trouve ça super ! », témoignait l'an passé Naomie, nouvelle corniste et interne à Gabarret. Un an plus tard, la jeune de Samadet est toujours aussi enthousiaste : « ça développe une passion, il y en a qui n'ont pas cet avantage ! ».
Depuis la rentrée 2018 dans le cadre du projet « Orchestre à l'école », et qu'ils l'aient voulu ou non au départ, les élèves de 5e du collège public de Gabarret apprennent chacun gratuitement un instrument, et ce, pendant trois ans d'affilée.
L'an prochain, normalement, près de 90 élèves, de la 5e à la 3e, devraient donc être concernés par ces sessions musicales, fruit d'un partenariat inédit entre l'Education nationale et le Conseil départemental des Landes. Pas une option non, mais un cours obligatoire - comme le français, les maths ou le sport -, autour des percussions et des cuivres, pour faire perdurer l'esprit des orchestres d’harmonies et des bandas du Sud-Ouest, et ouvrir à la musique toute une génération dans une approche ludique.
« Quand on réussit les premiers sons, ça fait plaisir et ça donne envie de jouer et encore jouer. En plus, en groupe, on apprend la cohésion », note Amaïa qui vient de démarrer le cornet en 5e. Thélia qui, elle, jouait déjà à la Batucada du village, n'avait pas choisi d'apprendre le tuba qu'on lui a offert l'an passé à la remise officielle des instruments fournis par le Département, mais le charme a agi : « on s'y attache, on s'apprivoise, l'objet est beau, et on peut l'amener pour jouer à la maison ».
Chaque lundi, quatre professeurs du Conservatoire des Landes font le déplacement dans ce village landais aux confins du Gers. Le rituel est désormais bien ancré : une heure par type d'instrument le matin avec l'enseignant, et une heure l'après-midi en configuration orchestre, en attendant qu'un professeur de solfège soit recruté par le collège pour permettre aux élèves d'aller plus loin dans l'apprentissage au fil des mois.
Dans la salle au fond vert à l'entrée de l'établissement, les instruments sortent de leurs coffrets qui s'étalent par terre, les chaises valsent devant le pupitre des percussions (caisse claire, cymbales, xylophone...) et le joyeux brouhaha démarre. La cacophonie se dissipe quand le prof-chef d'orchestre lève la main, une baguette tombe, puis à peu près le silence. « 1, 2 , 3 , 4 ! Trombones, tubas ! », c'est parti !
Comme dans toutes les classes, il y a là les bons élèves attentifs, les chahuteurs, ceux qui se croient malins, les timides, les enthousiastes, les réfractaires... Par rapport au Conservatoire où les jeunes viennent en grande majorité par amour de la musique, « c'est carrément un autre métier » qui nécessite beaucoup de patience, fait valoir Julien Garcia qui encadre les percussionnistes, mais, au final, « tous doivent jouer ensemble, il faut qu'ils apprennent à s'écouter les uns les autres ».
Ici, les techniques d'apprentissage font la part belle à la pratique, la pratique et encore la pratique. Enseignement plutôt rock school, pédagogie active à la Montessori, répétition par cœur, cartes aux notes de couleurs et portées effaçables... « on part du principe que la musique c'est facile, on les fait jouer, jouer, jouer ! C'est motivant pour eux parce qu'on avance vite », soutient Cécile Gaume, professeur de cor et ancienne musicienne de l'Orchestre des Pompiers de Paris.
« On est surtout sur de la transmission orale, il font presque tout à la mémoire, il faut que ça marche de suite, comme ça, ça les décomplexe », complète Guillaume Nail, prof de cornet à pistons et trompette : une façon aussi, espère Sylvain Larrazet (tuba et trombone), de « souffler l'envie d'aller plus loin » à ces jeunes qui, à 95%, n'ont, avant cette expérience, jamais fait de musique.
Cette année, les élèves de 5e répètent, entre autres, Oyé como va, et les 4e, Bad Romance de Lady Gaga ; ils joueront aussi ensemble sur scène Havana de Camila Cabello, façon cuivres. Des morceaux d'aujourd'hui pour attirer l'attention des jeunes mais cela n'empêche pas d'éveiller leurs oreilles à de la musique classique, et même à du plus contemporain, comme la musique minimaliste du compositeur Philip Glass : « ce genre peut permettre de se concentrer dans son travail, d'être plus focus », conseillait ce jour-là Cécile Gaume à ses cornistes un peu interdits devant l'intérêt de ces notes répétitives.
Globalement, juge le directeur adjoint du Conservatoire Jérôme Baylac, « même les réfractaires qui voient ce cours comme une obligation, en retirent quelque chose, car l'apprentissage de la musique développe certaines zones du cerveau qu'on n'utilise pas et l'orchestre apprend à avancer en groupe, dans l'idée de collectif ». Arrivé à la rentrée 2019, le nouveau principal du collège, Maâmar Eddouh, soutient complètement ce projet qui fut porté par sa prédécesseuse Claire Eldin, même s'il faut trouver encore la meilleure organisation possible dans les emplois du temps : « c'est un projet porteur à inscrire dans la durée qui offre une ouverture d'esprit, une ouverture à la culture pour tous, c'est donc une vraie chance pour chacun, pour aider les jeunes à s'épanouir ».
L'ex-proviseur à Sarcelles en région parisienne qui n'hésite pas à venir en personne calmer des agitateurs à la demande des musiciens du Conservatoire, veut d'ailleurs faire entrer ce cours sur les bulletins scolaires pour valoriser l'apprentissage. Il a aussi l'idée d'ouvrir la salle de musique entre midi et deux pour ceux qui le souhaitent, en attendant d'organiser peut-être en juin un « Graine de Stars » spécial avec d'autres écoles primaires et collèges du coin, qui serait animé par l'orchestre de l'établissement.
De nouveaux concerts à assurer pour les élèves. Prémices de belles carrières musicales pour certains, qui sait ? Car il peut y avoir, notamment dans la musique classique et militaire, de quoi vivre de sa passion avec ces instruments atypiques. Avis aux collégiens landais !
Le saviez-vous ?
20.000 € sont, à chaque rentrée depuis 2018, dédiés par le Conseil départemental à l'achat des instruments qui sont remis aux nouveaux élèves de 5e du collège de Gabarret. Grâce à l'aide du Département, il n'y a aucun surcoût de scolarité pour les familles.
Avec un internat sur place, l'établissement situé à 45 km à l'est de Mont-de-Marsan, peut accueillir des élèves venus d'ailleurs, sur dérogation. Un bus scolaire assure les lundis matins et vendredis soirs la liaison Mont-de-Marsan / Gabarret.
Pour plus de renseignements, contacter le collège Jules Ferry de Gabarret au 05 58 44 31 01.
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