Nouvelle ère pour Nonères

Dans la conserverie flambant neuve, en service depuis mars, quatre employés de l’ESAT (Établissement et service d’accompagnement par le travail) s’affairent autour de la grande table de la cuisine. Avec application, ils préparent et mettent sous vide une pâte protéinée pour les abeilles, sous le regard de Séverine Toual, leur monitrice d’atelier. Installé à côté de son frère Jean-Pierre, Dominique semble apprécier sa nouvelle activité, après une trentaine d’années de maraichage aux Jardins de Nonères : « j’étais souvent courbé. Ici, l’environnement est agréable. L’ambiance en équipe est bonne et ça me change du travail de la terre ».

Chargé du dosage des ingrédients, Thomas, qui officiait aux espaces verts, se dit heureux de « découvrir de nouvelles compétences. On a appris les différents postes de travail : pesée, mélangeur, aplatissement de la pâte, mise en poche, machine sous vide. Et bientôt on fera de la conserve de légumes ». Au total, ce seront six personnes en situation de handicap qui œuvreront à la transformation des légumes bio cultivés sur place par leurs collègues du maraîchage. Convaincue de la pertinence et de la viabilité du projet, l’Agence régionale de santé (ARS) a soutenu cette création.

Quelques centaines de mètres plus loin, la plateforme de compostage a, elle, démarré son activité en juin 2024, grâce à un cofinancement de l’Ademe (Agence de la transition écologique). « On mélange 50 % de déchets verts et 50 % de biodéchets, pour l’instant issus essentiellement des restes de repas du Centre hospitalier de Mont-de-Marsan, ce qui représente 2,5 tonnes par semaine », explique Christophe Lahiton, le moniteur de l’atelier qui encadre une équipe de six personnes. « Nous envisageons de collecter dans les collèges, les lycées, les Ehpad, les centres de restauration collective et même chez les restaurateurs privés », prévoit Magali Valiorgue, présidente de la commission de surveillance du Pôle adulte départemental des Jardins de Nonères. À terme, huit personnes devraient être embauchées sur ce nouveau service.

Lors de l’inauguration du 7 avril, les ouvriers n’étaient pas peu fiers d’expliquer aux nombreux officiels et visiteurs les différentes étapes du complexe processus de compostage. « C’est un compost de très grande qualité qui est vraiment suivi de façon très précise », relève, impressionné, Xavier Fortinon, président du Département. « Sur la plateforme, le handicap change de camp. On parle de savoir-faire et d’innovation avant de parler d’inclusion », insiste Julien Le Baillif, directeur des Jardins de Nonères.

Avec la création de la conserverie et du compostage, les employés du Pôle adulte départemental accèdent à de nouveaux métiers : restauration, préparation de commande, nettoyage industriel, chauffeur-livreur, cariste, agent de tri, etc., « des emplois d’avenir qui s’incarnent dans une logique vertueuse, sociale et sociétale », fait valoir Xavier Fortinon. Et qui ouvrent de nouveaux horizons à ceux qui le souhaitent, renchérit Magali Valiorgue : « ils peuvent aller taper à la porte du milieu ordinaire de travail pour être embauché dans une collectivité, un restaurant collectif, une plateforme industrielle… »

« C’est l’ESAT 2.0 avec de nouveaux services », s’exclame Éric Jalran, directeur de la délégation départementale des Landes de l’ARS. À l’origine des deux projets, Julien Le Baillif a imaginé « un système pleinement intégré où chaque atelier est interconnecté » : les équipes espaces verts apportent des déchets au compostage et l’engrais ainsi créé permet de faire pousser les plants de légumes bio vendus sur place en l’état ou bien transformés à la conserverie pour être proposés dans la boutique de Nonères ou en restauration collective. Un circuit très court, « du compost à la graine et de la graine à l’assiette », selon l’efficace formule de Magali Valiorgue.

Après les cornichons bio, les coulis de tomates ou les veloutés de courgettes, nul doute que les fidèles clients des Jardins de Nonères, présents en nombre lors de l’inauguration, plébisciteront les bocaux de légumes issus de la conserverie. Car la qualité des productions de l’ESAT reflète le sérieux et l’implication de ses ouvriers. « Il y a une démarche à la fois commerciale et qualitative afin que les produits aient des débouchés », souligne Xavier Fortinon.

Encore une fois, Nonères se réinvente à travers de nouveaux services. En conservant, garantit le président du Département des Landes, la philosophie qui le guide depuis la création en 1990 de l’atelier protégé et du SATAS (Service d’aide par le travail et l’accompagnement social) : « considérer la personne en situation de handicap comme pouvant faire complètement partie d’un tissu économique et faire société tous ensemble ».

Également inauguré le 7 avril, le nouveau bâtiment administratif du Pôle adulte départemental est l’expression physique de l’histoire des Jardins de Nonères. Cette « construction écologiquement ambitieuse, avec des conditions de travail comme d’accueil au top », dixit Julien Le Baillif, regroupe l’ensemble des établissements et services de la structure qui accompagne près de 200 personnes en situation de handicap pour un budget annuel de 7 millions d’euros.

Le bâtiment a bénéficié du financement de l’État, via sa Dotation de soutien à l’investissement des Départements (DSID). Une juste reconnaissance pour une aventure humaine et collective unique en France à l’échelon départemental. Depuis 1990, près de 540 personnes ont été accompagnées et embauchées au Pôle adulte départemental. Autre chiffre marquant : 120 personnes accueillies à Nonères ont trouvé leur place à l’extérieur de la structure pour intégrer durablement le milieu ordinaire du travail.