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Pour son entrée en seconde au lycée Cassaigne de Mont-de-Marsan, Mélany Jardon avait peur de « n'être qu'un robot » pour ses nouveaux camarades de classe. Son cancer s'est déclaré au printemps dernier alors qu'elle était collégienne à Grenade-sur-l’Adour où elle vit, et elle ne connaissait presque personne pour la rentrée. Malgré les mois de traitement et les allers-retours à Bordeaux-Pellegrin, « j'ai pu faire la semaine de septembre en classe et après j'étais confinée, mais tout le monde nous a super bien accueillis, le robot et moi. Et ça se passe bien, c'est le principal ».
Pourtant au départ, « il a fallu que mes parents me forcent un peu pour l'essayer, j'étais réticente. On se sent différent, ça attire le regard », dit la dernière d'une grande fratrie recomposée. « On voulait à tout prix qu'elle poursuive ses études, qu'elle rompe la solitude et accepte la maladie tout en étant scolarisée, c'est important pour le moral, pour avancer, pour vivre », explique Johann, la maman.
Aujourd'hui, Mélany est physiquement en classe à mi-temps, puis le matin ou l'après-midi, elle suit les cours via le robot à roulettes motorisées, connecté à son ordinateur dans sa chambre d'adolescente. Pour que tout fonctionne, elle doit compter sur ses camarades, - notamment Maïa, Amaya, Louna, Argia ou Emilie -, qui s'occupent de brancher et positionner le robot en classe, à côté du bureau du professeur. « Comme ça, parfois, on se voit et on parle avant et après le cours ». « C'est très facile d'utilisation, je peux monter le son de la classe, couper ou allumer mon micro pour poser des questions, zoomer sur le tableau même s'il y a une zone qui reste floue, mais c'est pas grave je m'adapte ! », dit-elle en souriant.
Si Mélany n'ose pas bouger le robot en classe pour ne pas déranger le cours, la touche de déplacement à distance a en revanche été bien utile quand elle a assisté en VIP à un match de rugby du Stade Montois avant Noël alors que plus personne n'a accès aux terrains en ces temps de Covid. Grâce au robot mobile, « j'ai visité les vestiaires, j'ai pu parler aux joueurs qui étaient intrigués par la machine, on a fait des photos ensemble », raconte celle qui est quand même plutôt basket.
Côté cours, c'est plus dur de se concentrer dans la longueur devant l'écran : « il y a moins d'émulation qu'en classe forcément, et parfois j'ai envie de faire la sieste vu que j'ai mon lit derrière ! » A voir, à la fin du cours, les copains passer devant l'écran faire un signe sympa à Mélany, on comprend bien tout l'intérêt du dispositif, même s''il lui tarde de retourner au lycée à temps complet - normalement après les vacances de février.
Après tous ces mois difficiles, Mélany et sa maman tiennent d'ailleurs à remercier tout particulièrement Françoise Dubergey pour son implication de chaque instant comme responsable du Sapad, le service gratuit d’assistance pédagogique à domicile de l'association PEP40, en partenariat avec l'Education nationale.
Garantissant le droit à l’éducation à tout élève malade ou accidenté, momentanément éloigné de sa classe, ce dispositif permet à des enseignants d’intervenir à domicile pour une assistance pédagogique ponctuelle, et depuis 2015, de connecter des élèves à leur classe grâce au robot présentiel.
« On a toujours été novateur et on a eu un soutien fort du Conseil départemental dès le début dans ce projet », se rappelle Maïté Négui, présidente des PEP40 et coordonnatrice du Sapad pendant 20 ans. « Mes premiers robots ont été achetés sur des crédits du Département, initiateur d'un point de vue financier », abonde Laurent Gallon, du Laboratoire informatique de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, basé à l'IUT de Mont-de-Marsan. Hasard des rencontres, « on s'est croisé avec Maïté, on a compris qu'on avait un intérêt commun à travailler ensemble pour développer un outil supplémentaire dans la mallette du Sapad pour les élèves en difficulté ».
Depuis, de recherches en expérimentations de terrain, « notre collaboration apporte des données pour éclairer la communauté scientifique sur une meilleure utilisation du robot à l'école ou dans d'autres lieux », assurent les deux compères, devenus des pointures en la matière, entre études, colloques et articles à l'international.
Aujourd'hui, le Sapad dispose de 6 robots et l'IUT de 4 de plus pour d'autres projets. « On pense d'abord à l'accompagnement pédagogique à domicile avec des cours particuliers, explique Françoise Dubergey, le robot vient en plus ou quand c'est compliqué en terme de distances à parcourir et sur certaines matières professionnelles ».
Claire Descombes en a bénéficié quand elle était en 5e au collège du Pays d'Orthe à Peyrehorade. « Entre les cours particuliers des profs chez moi où on apprend tout beaucoup plus vite et les cours avec le robot en classe, au niveau scolaire c'est comme si j'avais jamais été malade, ça a même amélioré mon niveau », dit l'adolescente aujourd'hui en 3e : « les profs ont bien joué le jeu. Pour moi, la première approche du robot était compliquée, mais je me suis toujours montrée sans rien du tout, ni perruque, ni rien. Pendant la récré, tout le monde s'agglutinait autour, on se sent presque comme si on était sur place. C'était génial ».
Il faut dire que les professeurs comme les élèves sont sensibilisés à l'arrivée du robot qui peut être perçu, parfois, en intrus ou voyeur. « À partir du moment où l'enfant accepte le dispositif, il faut préparer et préserver tous ceux qui vont accueillir le robot, car on entre dans une autre ère, celle de l'absence et de la maladie. Des camarades peuvent prendre ça en pleine figure. On voit parfois des mouchoirs sortir... », met en garde Françoise Dubergey.
Le fait que des étudiants de l'IUT – comme cette année les deux Clément – s'occupent du déploiement du robot dans les classes, facilite aussi son intégration au milieu des jeunes. Yohan Lapouble a été l’un d'entre eux, il était notamment toujours là pour Claire : « il m'a appris tout le fonctionnement. Et au moindre problème, il me rappelait de suite pour tout régler ». Cet ex-étudiant en DUT réseaux télécoms à l'IUT montois, qui travaille aujourd'hui à l'implantation de la fibre avec le Sydec, a vu son service civique auprès des PEP40 « au départ comme un travail puis c'est devenu un engagement ». Aujourd'hui trésorier de l'association, Yohan se démène pour que tout marche : « si la connexion coupe une fois, deux fois puis trois fois, l'élève ne va pas se reconnecter, il faut être réactif, mais au final il y a très peu de soucis une fois installé ».
Les robots peuvent également sortir des écoles primaires, des collèges ou lycées où ils sont habituellement. « Notre flotte est libre, on est une structure associative, alors on essaie aussi de prendre en compte des temps de loisirs de l'enfant », témoigne Mme Dubergey. Si l'outil ne remplacera jamais les relations humaines, la petite Sofia qui a vécu de longues semaines à l'hôpital en CM2 l'an passé, a ainsi pu danser virtuellement au milieu de ses copines. Une autre collégienne a suivi ses cours de flûte traversière chaque vendredi depuis sa chambre de soins. Un petit garçon hospitalisé en région parisienne a pu se balader à Noël dans sa maison de Saint-Eulalie-en-Born, comme « un début de reconquête de la liberté de mouvement ». Et d'autres actions se développent avec l'association Entre Parenthèses à Mont-de-Marsan.
Heureux retour de la vie, Céline Descombes, la maman de Claire, a pu récupérer un robot pendant le premier confinement pour l'Ehpad Nauton Truquez à Peyrehorade où elle est aide-soignante. « Mme Dubergey a eu cette très bonne idée, on a partagé de grands moments avec les familles, avec beaucoup de gaieté. Il y a même eu un concert privé, au moment du goûter, par la fille chanteuse d'un des résidents ! ».
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