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Attractivité des métiers de l’accompagnement: questions à Denis Piveteau

02/03/2023

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© DR

Entretien avec Denis Piveteau, conseiller d’État, avant la conférence-débat prévue le 10 mars à Pontonx.

Vendredi 10 mars à Pontonx, au cinéma Grand Ecran à 14 h, Denis Piveteau, spécialiste national des questions d’attractivité des métiers de l’accompagnement qui a notamment rédigé le rapport sur la question pour le gouvernement Castex en 2022, interviendra au côté de Marcel Jaeger (professeur émérite, président de l’Unaforis), Michel Laforcade (ex-directeur général de l’ARS Nouvelle-Aquitaine) et Cyprien Avenel (sociologue). 
 
Quels sont les principaux enseignements tirés de vos entretiens avec des interlocuteurs du social et médico-social sur leur manière de voir leur métier ?  
 
On sent très nettement une sorte de tension entre, d’un côté, la conviction de chacun que sa propre activité a du sens et une profonde utilité sociale et la perception, tout aussi forte, de ce qu’en dehors de quelques cercles spécialisés, ce sens et cette importance sont méconnus, voire même totalement ignorés par la société.  

Tension qui devient critique lorsque, par exemple, un manque de moyens fragilise l’impression de faire un bon travail (avec le sentiment alors exprimé d’être « maltraitant ») ou lorsqu’un événement vient majorer le ressenti de l’indifférence sociale (l’affaire des « oubliés du Ségur »). 
 

© S. Zambon | Dpt 40

Dans votre rapport, vous dites que les métiers sociaux et médicosociaux seront d'autant plus valorisés que l'on donnera un « pouvoir d'agir » aux personnes accompagnées, qu'est-ce que cela veut dire ?  
 
La tension dont je viens de parler renvoie, en réalité, à une approche du travail social encore très centrée sur le paradigme de la protection : l’utilité et le sens de mon métier, c’est de créer un environnement « spécialisé » et protecteur pour des personnes vulnérables dont la société ne veut pas. Ce que faisant, le professionnel se place lui aussi, peu ou prou, aux marges de la société. Or si la protection est essentielle, elle n’est pas l’oméga : les personnes vulnérables revendiquent de plus en plus, avec force, la reconnaissance de leurs capacités, leur participation directe à la vie sociale ordinaire – en un mot : leur « pouvoir d’agir ». 

Ces aspirations obligent à de nouveaux modes d’exercice professionnel, capables d’accompagner ce besoin de reconnaissance. Cela appelle des formes de management qui libèrent l’initiative et surtout, loin d’appauvrir les métiers du travail social, cela peut les dilater dans des directions nouvelles, consistant à venir en appui des acteurs de la société « ordinaire ». 

© Thibault Toulemonde

C’est finalement une question qui interroge l’ensemble de la société et qui implique une transformation sociale, dites-vous. Est-ce à dire que si la société ne change pas, la valorisation de ces métiers ne sera pas possible ? Mais n’est-ce pas utopique d’imaginer une société inclusive ?    
 
Vous posez très bien le problème : un travail social qui veut mettre son expertise au service de ce désir de participation qu’expriment les personnes vulnérables doit, avec ces mêmes personnes, se faire acteur d’une transformation sociale qui leur fasse davantage de place. Voilà le point. Inutile de l’esquiver. Certes, ce sera peut-être long, mais je suis confiant, car ce n’est pas une utopie : seulement un constat lucide. Et il y a une formidable réserve d’énergie chez les personnes dites « accompagnées ». 
 
 

Y a-t-il des particularités ici qu’on ne retrouve pas ailleurs ou la problématique est-elle in fine à peu près la même où que l’on soit en France sur cette question de l’attractivité ?    
 
La région a bien sûr ses spécificités, en particulier sur le littoral atlantique. Je pense notamment à cette double croissance de la population âgée, en nombre mais aussi en pourcentage, qui pose avec plus d’acuité la question du nombre d’actifs qui seront demain en mesure d’apporter une aide. L’enjeu s’exprime ainsi, plus nettement qu’ailleurs, en termes de projet social d’ensemble (et pas seulement, comme on le lit hélas dans certains documents nationaux, comme une question de « nombre de places »).

Il faut penser la participation active des personnes vulnérables, il faut penser la pair-aidance, il faut penser pour cela d’autres formes de vie collective, d’autres formes d’habitat, aussi bien pour les âgés « aidés » que pour les actifs « aidants ».
 

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