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Environnement : l’utile reconversion des Orgues des Landes

31/10/2023

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© Eco-Transformation

Victime d’une dégradation naturelle, cette œuvre emblématique de la Forêt d’art contemporain a dû être démantelée mais a trouvé une seconde vie comme combustible des chaudières de 5 collèges landais.

C’était probablement l’une des créations les plus populaires de la Forêt d’art contemporain, cet itinéraire de 28 œuvres disséminées dans le Parc naturel régional des Landes de Gascogne (PNRLG). Les Orgues des Landes impressionnaient par leur aspect monumental : répartis sur près d’un hectare dans la réserve naturelle d’Arjuzanx, ces assemblages massifs de troncs de pins évoquaient le côté à la fois artificiel et naturel de la forêt landaise et du site d’Arjuzanx, en convoquant l’image de la Chaussée des Géants, célèbre formation volcanique située sur la côte d’Irlande du Nord et constituée d’environ 40 000 colonnes basaltiques verticales.

La redoutable vitalité de la nature

120 tonnes de bois brut non traité ont été utilisées pour édifier cet ensemble surgi du paysage, allégorie assumée de la spectaculaire transformation d’une ancienne mine de lignite, devenue en moins de 40 ans le plus grand site français d’hivernage de grues cendrées. Une reconversion couronnée par le label de Réserve nationale naturelle, promulgué par décret du 2 septembre 2022. Séverine Hubard, l’artiste, et les responsables d’Arjuzanx tenaient à l’absence de traitement chimique, ce qui a condamné l’œuvre à une vie courte mais qui correspondait mieux à leur démarche. « Ça matchait bien avec le lieu et tout le monde avait trouvé ce choix naturel à ce moment-là », se souvient Philippe Sartre, président de la Forêt d’Art Contemporain (FAC).

L'œuvre de Séverine Hubard a remporté un très vif succès auprès des visiteurs de la réserve naturelle d'Arjuzanx © Forêt d'art contemporain

 

Installée en 2016, l’œuvre a très rapidement subi les conséquences du retour de l’ancien site industriel à la nature. Termites et champignons ont attaqué les troncs de pins, les rongeant progressivement de l’intérieur à une vitesse que personne n’avait imaginée. « À partir d’un endroit post-industriel, quasi lunaire, une végétation incroyable est ressortie. L’œuvre a été digérée par cette nouvelle vie du sol », raconte Philippe Sartre.

Une problématique de sécurité

Les Orgues des Landes ont également payé la rançon de leur succès. Comme espéré, les visiteurs s’étaient approprié l’œuvre, ils montaient sur les troncs pour des photos souvenirs. L’altération accélérée des bois de pins posait donc un problème de sécurité. « On commençait à avoir des chutes de morceaux importants. La structure contenait des vis métalliques et des socles de béton. On a donc communiqué auprès du public sur la dégradation de la matière », indique Sophie Laugareil, directrice de la réserve d’Arjuzanx. Mais l’information, aussi bien faite soit-elle, ne revêt pas de caractère dissuasif. 

Après deux chantiers de réparation, Séverine Hubard décide, début 2023, de cesser de restaurer son œuvre. « Elle a été très radicale dans la revendication de l’aspect éphémère de sa création. Pour nous, c’était un peu dur, on imaginait pouvoir conserver Les Orgues une dizaine d’années de plus », concède le président de la Forêt d'art contemporain. « Elle voulait aller au bout de sa logique, éviter toute confusion. Elle acceptait une réappropriation du bois par quelqu’un d’autre, mais à un autre emplacement », explique Denis Richard, directeur du Syndicat mixte de gestion des milieux naturels (SMGMN), qui gère les réserves d’Arjuzanx, du marais d’Orx et de l’Étang Noir à Seignosse.

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Illustration 0 Mandaté par la coopérative Alliance Forêts Bois, le débardeur a commencé le démantèlement des Orgues des Landes le 4 septembre © Syndicat mixte de gestion des milieux naturels (SMGMN)
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Illustration 1 Avec les troncs collectés, le débardeur remplit les bennes préalablement déposées par Eco-Transformation © Syndicat mixte de gestion des milieux naturels (SMGMN)
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Illustration 2 Une fois remplies, les bennes sont récupérées par les camions de la société de recyclage © Syndicat mixte de gestion des milieux naturels (SMGMN)
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Illustration 3 Les 40 tonnes de bois collectées ont été entreposées quelques jours dans une plateforme de stockage à proximité © Syndicat mixte de gestion des milieux naturels (SMGMN)

 

Le retrait de l’œuvre est dès lors inévitable. La Forêt d'art contemporain et le SMGMN font appel à Eco-Transformation, société spécialisée dans le recyclage des déchets de bois. Lors des discussions préalables, l’entreprise basée à Saint-Lon-les-Mines signale qu’elle livre en bois de chauffage les chaudières biomasse de 5 collèges landais*. L’idée séduit immédiatement tous les acteurs impliqués dans le dossier, y compris l’artiste. 

Du tronc à la plaquette

Après un printemps consacré à « peaufiner l’aspect juridique », dixit Sophie Laugareil, l’enlèvement des Orgues des Landes se fait les 4 et 5 septembre en fin d’après-midi et au petit matin. « On a fait en sorte qu’il y ait le moins de nuisances possible pour la biosphère et les touristes », assure Grégory Boistière, responsable commercial d’Eco-Transformation. Preuve de l’extrême dégradation de l’œuvre, ce sont 40 tonnes de bois qui sont récupérées au lieu des 120 tonnes d’origine. Cependant, bien que le pin ait été attaqué par les termites, cela n’a pas affecté ses propriétés combustibles. Les troncs sont entreposés sur une plateforme de stockage à proximité avant d’être dirigés vers l’usine de Saint-Lon-les-Mines.

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Illustration 0 L'unité de recyclage des déchets située à Saint-Lon-les-Mines © Eco-Transformation
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Illustration 1 Dans une première phase de broyage, les troncs sont déchiquetés en fractions grossières © Eco-Transformation
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Illustration 2 Après passage dans la chaîne d'affinage, les troncs d'origine ont été réduits à des broyats de 8 centimètres © Eco-Transformation
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Illustration 3 Les plaquettes énergie sont stockées dans des bennes, prêtes à être livrées aux collèges © Eco-Transformation
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Illustration 4 Livraison au collège de Saint-Geours-de-Maremne, vendredi 20 octobre © Eco-Transformation

 

Le bois a d’abord été déchiqueté au broyeur lent avant de passer dans la chaîne d’affinage d’où ressortent des plaquettes bois-énergie de 8 centimètres de longueur. Le processus de fabrication s’est opéré sans déperdition de matière puisque ce sont pratiquement 40 tonnes qui ont été produites à partir de l’ancienne œuvre d’art. « Les broyats de bois que nous produisons correspondent aux cahiers des charges des chaudières biomasse, avec un taux d’humidité compris entre 30 et 35 %. Le mélange d’essences avec des feuillus ou d’autres résineux est accepté », éclaire Paul Mouyen, directeur-adjoint d’Eco-Transformation. 

Deux bennes contenant 4 tonnes de combustible ont été livrées aux 5 collèges dans la semaine du 16 au 20 octobre. La relativement courte existence des Orgues des Landes trouve ainsi un prolongement local au bénéfice des jeunes Landais. « C’est la meilleure inhumation possible de l’œuvre », résume Philippe Sartre.


* Langevin-Wallon à Tarnos, Aimé-Césaire à Saint-Geours-de-Maremne, Danielle-Mitterrand et Jean-Moulin à Saint-Paul-lès-Dax et Albret à Dax
 

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