Connaître, préserver et valoriser la grue cendrée

La grue cendrée avait disparu du territoire suite à la loi de 1857 imposant l’assainissement des landes humides et le développement du massif forestier de pin maritime. Il fallut attendre les années 60 et la mise en place de grandes zones céréalières pour voir le retour des grues et leur implantation sur le champ de tir militaire de Captieux (présence attestée en 1977) et la réserve d’Arjuzanx (1983). À ces 2 sites dortoirs historiques, se sont ajoutés l’étang de Cousseau (Gironde) ou le marais d’Orx. Dans les zones agricoles alentour (dites zones de gagnage), les oiseaux trouvent de quoi s’alimenter avec des résidus de maïs grain. Au fil des années, ils poussent de plus en plus loin leurs gourmandes investigations, allant jusqu’aux berges de l’Adour, côté Pyrénées-Atlantiques.

Durant la période d’hivernage et de migration, le triangle des Landes de Gascogne, du Médoc au nord au Bas-Adour au sud, accueille désormais jusqu’à 20 % de la population ouest-européenne de grue cendrée. 

En 2005, 6 structures, dont le Département des Landes, ont créé le collectif Grus Gascogna avec un triple objectif : connaître, préserver et valoriser la grue cendrée. Le Conseil départemental confirme là « son attachement à valoriser son patrimoine naturel et à protéger sa faune et sa flore », souligne Xavier Fortinon, son président, qui cite l’exemple du rachat du site d’Arjuzanx en 2002 : « on acquiert des espaces pour mettre en place des politiques de protection et de valorisation ». 

C’est pour répondre à l’évolution de l’implantation de la grue cendrée dans le territoire des Landes de Gascogne que les 6 membres fondateurs de Grus Gascogna ont décidé de renouveler leur Charte de 2005. Vendredi 3 février, à la maison du site de la Réserve naturelle nationale d’Arjuzanx, 8 nouveaux partenaires, issus pour la plupart de Gironde ou des Pyrénées-Atlantiques, ont rejoint le collectif (voir encadré). Loin des idées reçues et des prises de bec passées, associations de chasseurs et défenseurs de l’environnement collaborent pour la protection de la grue cendrée.

« Ce qui est unique dans ce collectif, c’est qu’il y a des partenaires avec lesquels on n’a pas l’habitude de travailler. On peut s’entendre autour de la biodiversité », assure Olivier Le Gall, délégué territorial de la Ligue de protection des oiseaux (LPO). « C’est notre devoir d’œuvrer à la protection de la nature », abonde Jean-Luc Dufau, président des chasseurs landais, qui rappelle que « la gestion des zones humides, en partenariat avec le Conseil départemental, est un dossier majeur et capital pour notre fédération ». Une association de bienfaiteurs qui réjouit Xavier Fortinon : « le Département fédère. C’est quand même une performance particulière de mettre autour de la table des partenaires qui sembleraient antinomiques ».

La connaissance d’une espèce et de ses habitudes est la pierre angulaire de sa préservation : quand le collectif signe la Charte Grus Gascogna en 2005, l’objectif consiste à coordonner le comptage des grues cendrées afin de se représenter leur répartition géographique de la façon la plus précise et exhaustive possible. Cet enjeu grossit à mesure que la grue cendrée gagne du terrain. Avec 8 nouveaux partenaires, le collectif Grus Gascogna va ainsi décupler ses forces pour organiser des comptages simultanés selon une méthodologie bien définie. 

5 comptages sur les sites dortoirs sont réalisés pendant l’hivernage, de novembre à février. Mi-janvier 2023, 63 590 grues ont été recensées (voir carte). Des relevés sont aussi effectués sur les zones de gagnage avec des résultats moins précis, car il est plus facile de compter des grues dans le ciel qu’au sol. Ces chiffres viennent enrichir des bases de données précieuses comme le Réseau Grues France.

Voir la carte au format pdf.

Dans une optique de préservation de la grue cendrée, la labellisation du site d’Arjuzanx comme Réserve naturelle nationale, l’été dernier, est une excellente nouvelle, selon Sophie Laugareil, sa directrice : « un statut de protection forte est un outil supplémentaire pour éviter des comportements incorrects et ménager aux animaux des espaces où leur quiétude est sauvegardée coûte que coûte ». Le label attirera de nouveaux visiteurs qu’il faudra accompagner, la grue étant une espèce sensible au dérangement : « nous devons proposer des solutions pour observer les grues en faisant de la pédagogie. Il faut encadrer et orienter les gens avec une communication claire et précise ». 

« La notion d’écotourisme a d’emblée séduit les partenaires avec cette volonté partagée de limiter l’impact sur les dortoirs et les zones de gagnage », renchérit Denis Lanusse, maire de Vert et vice-président du Parc naturel régional des Landes de Gascogne (PNRLG). Responsable du pôle Tourisme et marque au PNRLG, Béatrice Rénaud insiste sur ce travail de sensibilisation : « cela fait 20 ans que des formations réunissent des acteurs économiques du plateau landais, des hébergeurs et des offices de tourisme. On ne pouvait pas imaginer une valorisation touristique sans prendre en compte la connaissance partagée et la préservation ». 

Regardez la webcam du Département implantée sur l’un des sites dortoirs des grues à Arjuzanx.