Le flamenco va réchauffer l’hiver à Soustons

Certaines rencontres coulent de source, n’attendant que le moment opportun pour se concrétiser. Le choix de Soustons comme ville d’accueil du premier festival d’hiver Arte Flamenco apparaît ainsi comme une évidence.

Créé en 1989 à Mont-de-Marsan, le festival international de flamenco était géré en régie directe par le Conseil départemental des Landes. Depuis fin 2021, il est désormais organisé par un Établissement public administratif (EPA), qui a défini deux orientations majeures : le soutien à la création et le développement territorial. C’est dans cette seconde optique qu’a émergé l’idée d’un festival d’hiver, venant en complément du grand frère estival, explique Lionel Niedzwiecki, directeur général de l’EPA Arte Flamenco : « on revendique bien sûr toujours l’identité montoise mais le projet de développement territorial signifie que le festival, en grande partie financé par l’argent public, a pour mission d’aller au-delà de sa zone de confort, en lien avec les acteurs locaux. Après le Covid, la question de l’élargissement des publics est plus que jamais d’actualité ».

Soustons s’est imposée assez naturellement pour abriter cette première édition. « La transmission de l’art et de différentes cultures est dans notre ADN », assure Frédérique Charpenel, maire de la ville, qui avance également l’argument logistique d’un panel d’équipements culturels – l’espace Roger Hanin et ses 414 places, le centre d’arts chorégraphiques La Marensine, la médiathèque et le cinéma Atlantic - susceptible d’accueillir spectacles, stages, expositions ou projections se faisant écho autour de la même thématique : « ce travail d’assemblage et de mise en réseau, on le fait depuis des années ». L’édile sait aussi qu’elle peut compter sur la fidélité du public : « depuis septembre, nos spectacles affichent de nouveau complet. Et pour le festival, nous sommes déjà à moitié jauge alors que nous n’avons pas encore lancé la communication ». 

Isabelle Mainpin, adjointe à la Culture, rappelle quant à elle que Soustons a déjà tissé des liens avec l’univers flamenco. En 2017-2018, la danseuse Anabel Veloso avait travaillé durant 6 mois avec les élèves de CM1/CM2 de l’école de l’Isle-Verte sur un spectacle que les petits Soustonnais avaient fièrement présenté sur la scène du Molière, à Mont-de-Marsan, lors de l’édition 2018 d’Arte Flamenco. Souvenir moins heureux : en janvier 2021, Iván Vargas, danseur et chorégraphe de Grenade, était attendu sur la scène de l’espace Roger Hanin, mais le Covid en avait décidé autrement.

Ce rendez-vous manqué n’a pas découragé Sandrine Rabassa, directrice artistique d’Arte Flamenco en charge de la programmation : le natif du quartier de Sacromonte sera à l’affiche du premier festival d’hiver, samedi 28 janvier, avec Yo mismo. Le descendant de l’illustre lignée flamenca des Maya y reste fidèle à ses racines andalouses tout en les combinant avec les tendances actuelles. « Un voyage géographique et artistique », promet Lionel Niedzwiecki. La veille, Paula Comitre aura présenté pour la première fois en France Cuerpo nombrado, créé en mai dernier au Festival flamenco de Madrid.  Accompagnée de deux chanteurs et d’un guitariste, celle qui a débuté sa carrière solo au fameux Tablao Los Gallos de Séville revisite différents palos (formes musicales) pour explorer la variété du langage flamenco. 

Trait d’union avec le South Town Jazz festival qui a lieu à Soustons au mois de mars, le concert de clôture, dimanche 29 janvier, s’intitule Jazz Flamenco. Saxophoniste, chanteur et auteur-compositeur natif de Cadix, Antonio Lizana mixe en virtuose la tradition du cante et l’inventivité du courant hard bop, apparu dans la seconde moitié du XX^e siècle. 

Des spectacles, aussi bons soient-ils, ne suffisent pas à faire un festival, souligne Lionel Niedzwiecki : « il faut avoir une exigence dans la qualité de la programmation artistique mais aussi proposer un panel de rencontres et d’échanges ». Puisque la transmission est au cœur de l’esthétique flamenca, les stages sont une composante essentielle d’Arte Flamenco. Iván Vargas animera à La Marensine des ateliers de baile pour adolescents et adultes tandis que la Toulousaine Soledad Cuesta - « à la fois artiste et pédagogue, ce qui n’est pas toujours le cas », apprécie le directeur général – initiera les tout petits à la danse durant deux sessions gratuites. Engagé depuis 2 ans dans une démarche d’éco-responsabilité, le festival proposera aux jeunes, en partenariat avec la Maison écocitoyenne des Landes, un atelier de fabrication de castagnettes recyclées. 

Dès le 6 janvier, la médiathèque hébergera une exposition de Prisca Briquet produite par le festival en partenariat avec le musée Despiau-Wlérick. Les photographies de l’artiste dialoguent avec des œuvres du musée autour des thèmes du corps et du mouvement. Côté cinéma, le réalisateur Emilio Belmonte répondra aux questions du public à la suite de la projection de Transe, un documentaire en immersion sur le flûtiste Jorge Pardo, pionnier de la fusion flamenco-jazz. « Un film passionnant, électrisant », selon Lionel Niedzwiecki, qui ne manquera pas de déclencher émotions et réactions… La littérature sera également présente : le photographe et écrivain Olivier Deck évoquera lors d’une rencontre-lecture l’émouvante biographie poétique qu’il a consacrée au génial guitariste andalou Rafael Riqueni.

Cette première édition hivernale annonce d’autres projets de développement territorial du festival. Lionel Niedzwiecki mentionne un travail de médiation au collège de Villeneuve-de-Marsan et des contacts en cours avec Labouheyre et sa Maison de la photographie des Landes ainsi qu’avec la salle du Parnasse à Mimizan.

De son côté, convaincue que les associations, peñas et commerces locaux s’empareront de l’événement, Frédérique Charpenel ne masque pas son envie de voir la manifestation revenir de manière pérenne : « une fois que les festivaliers auront goûté à Soustons, ils auront envie d’y revenir ! ».