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27/04/2021
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« Un millésime sans Armagnac, c’est un crève-cœur, surtout pour les 20 ans de ma reprise de l’exploitation » : Corinne Lacoste, propriétaire du domaine de Laubesse à Hontanx, ne masque pas son désarroi, après un épisode de gel exceptionnel qui fait surgir le spectre d’une année blanche pour les producteurs d’Armagnac et de Floc de Gascogne. Au petit matin du 7 avril, le thermomètre a chuté entre – 3° et – 5° dans le Bas-Armagnac. Du jamais vu à cette période depuis 1991, et un coup fatal pour des vignes qui avaient précocement démarré leur floraison avec le temps très doux de la fin mars. Du jour au lendemain, les feuilles vertes se sont totalement rabougries et les bourgeons ont brulé. Circonstance aggravante, l’accident climatique a été suivi d’une dizaine de journées très fraiches qui ont retardé la pousse d’hypothétiques contre-bourgeons.
Corinne Lacoste montre les dégâts à Cécile Bigot-Dekeyzer, préfète des Landes, Xavier Fortinon, président du Département, et Boris Vallaud, député de la 3e circonscription. Si quelques touches de vert subsistent sur le haut des parcelles, la partie basse est totalement grillée. La viticultrice, également présidente de Qualité Landes, évalue les pertes « entre 60-70 % et 100 % en fonction de la variété des espèces et des cépages ». Faute de raisin, le millésime 2021 d’Armagnac est fortement compromis et, si les exploitants peuvent s’appuyer sur leur stock, ils ne pourront pas compter sur la vente en 2022 de Floc de Gascogne, élaboré par mélange de moût de raisin et d’Armagnac jeune. Une perte supplémentaire, selon Corinne Lacoste, car « la commercialisation du Floc nous assure une trésorerie rapide qui nous permet de supporter le poids financier du stock d’Armagnac ».
La catastrophe climatique s’ajoute à un exercice 2020 déjà fortement impacté par la crise de la Covid-19. La fidèle clientèle des curistes a disparu avec les confinements et les restrictions sanitaires, ce qui explique les 35 % de pertes sur les ventes enregistrés par Corinne Lacoste. « On ne voit personne, on est isolé », se désole Myriam Darzacq. Dans son domaine de Paguy, à Betbezer-d’Armagnac, la présidente du Syndicat des producteurs de Floc de Gascogne gère 5 chambres d’hôtes et 3 gîtes de France en plus de ses 13 hectares de vignes : « alors que nous devions célébrer en 2020 les 30 ans de l’Appellation d’Origine Contrôlée, nous n’avons pu organiser aucun événementiel ». Ses parcelles en cépages baco et ugni blanc ont été moins touchées, car taillées plus tard selon le précepte des anciens : « Taille tôt, taille tard, rien ne vaut la taille de mars ». Mais, à ce stade, elle ne peut prédire ce que les contre-bourgeons donneront.
Cette incertitude taraudera les viticulteurs bien au-delà de cette année. Comment la vigne, qui est un être vivant, réagira au stress subi ? Comment les ceps repousseront-ils ? Sarah Lacquemant, directrice du domaine départemental d’Ognoas, touché « quasiment à 100 % », s’apprête à affronter une année sans récolte : « on va travailler toute l’année pour sauver le bois et la végétation afin que la plante puisse faire des réserves pour l’année prochaine ».
Les producteurs du Tursan, conviés à la visite de la préfète et des politiques dans le Bas-Armagnac, partagent ces inquiétudes. Évoquant des pertes sur les récoltes variant entre 10 % et 80 % selon les exploitations, Pascal Chalandré, président de la cave des vignerons du Tursan, fait déjà une croix sur la production de haut de gamme pour cette année, car « même si les contre-bourgeons sortent, ils n’auront pas la même maturité ».
Cécile Bigot-Dekeyzer est venue écouter les viticulteurs mais surtout leur apporter des réponses. L’État a débloqué une enveloppe exceptionnelle d’un milliard d’euros couvrant tout un volant de mesures : une année blanche de cotisations ; le dégrèvement de taxes foncières sur le foncier non bâti ; l’activité partielle ; des prêts garantis par l’État ; un appui équivalent au régime des calamités agricoles pour les secteurs, comme la viticulture, qui n’en bénéficient pas. Dans l’attente de ces aides, qui nécessitent de connaître l’ampleur des pertes, une aide forfaitaire, basée sur la perte de chiffre d’affaires mensuel, sera accordée.
Par ailleurs, l’enveloppe de 70 M€ consacrée dans le cadre du plan de relance à la protection contre les aléas climatiques sera portée à 200 M€. Les travaux sur la réforme de l’assurance seront accélérés. Enfin, la préfète a signé un arrêté autorisant les achats de vendanges « afin de compléter les volumes de raisins disponibles ».
Xavier Fortinon l’assure : le Département ne sera pas en reste, il viendra « en complément des dispositifs mis en place par l’État ». Une enveloppe exceptionnelle de 300 000 € est inscrite au Budget Primitif 2021, qui sera voté les 6 et 7 mai. Elle viendra s’ajouter aux crédits traditionnels en faveur des organisations interprofessionnelles de la filière viticole.
Dans le magnifique chai du domaine de Paguy, le président du Département fait une autre annonce. Les producteurs d’Armagnac et de Floc seront associés à la deuxième édition des « Toqués de canard ». Cette manifestation de promotion du canard fermier des Landes, qui avait réuni une cinquantaine de grands chefs dans les jardins du Palais-Royal à Paris en septembre 2016, devrait être renouvelée cette année, à une date qui dépendra évidemment des conditions sanitaires.
Le saviez-vous ?
Les Landes comptent 80 viticulteurs d’Armagnac, pour une surface de 388 hectares de vignes. Il y a 12 producteurs landais de Floc de Gascogne.
Les sites du département