Cette fonctionnalité n'est disponible qu'aux utilisateurs disposant d'un compte personnel.
Veuillez vous connecter ou créer un nouveau compte
Attention !
Cette fonctionnalité n'est disponible qu'aux utilisateurs disposant d'un compte personnel.
Veuillez vous connecter ou créer un nouveau compte
22/09/2022
1293 vues
Catégorie(s) de la page :
S’il est un secteur où la transition écologique est une nécessité urgente, c’est bien celui du BTP, responsable de 27 % des émissions de CO2 et de 75 % de la totalité des déchets produits en France. Armé de cette conviction, Mathieu Neuville, docteur en physique des matériaux et liants passé par les laboratoires de Lafage et de Total, décide de tout quitter pour « faire autrement » et « agir avec un seul cap : l’impact ». Sa cible : les matériaux de construction.
Pour atteindre son objectif du « moins de carbone, tout de suite et massivement », l’ancien ingénieur en recherche et développement fonde en 2018 Materrup avec son frère jumeau, Charles, consultant en financement et management de l’innovation. La startup développe une technologie baptisée Crosslinked Clay Cement®, permettant de produire des ciments contenant jusqu’à 70 % d’argiles crues.
Une solution résolument innovante, protégée par plus de 35 brevets internationaux, et vertueuse écologiquement. « L’argile est présente partout à la surface du globe », explique Mathieu Neuville, ce qui permet de relocaliser la production. Le processus industriel est également moins impactant pour l’environnement, ajoute t-il : « ici, on ne produit pas de gaz, ni de carbone. Juste de l’électricité, essentiellement grâce à des panneaux photovoltaïques installés sur le toit ».
Résultat : l’empreinte carbone du ciment MCC1®, commercialisé par Materrup depuis le début de l’année, est réduite de moitié par rapport à celle d’un ciment conventionnel. « 350 kg de CO2 par tonne contre 765 », chiffre Manuel Mercé, chimiste ayant rejoint les deux frères dans l’aventure. Tout en gardant les mêmes propriétés mécaniques, comme l’a prouvé, en juin 2022, la certification par le Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB). Une première étape indispensable, même s’il reste d’autres labellisations à obtenir.
Quoiqu’il en soit, le ciment bas carbone fabriqué à Saint-Geours-de-Maremne se substitue ainsi très facilement à ses rivaux plus énergivores, assure Julie Neuville, épouse de Charles et quatrième associée de la startup : « on utilise les mêmes camions-toupies et les mêmes bétonnières ». Il permet de faire des éléments de préfabriqués, de blocs de sécurisation, des parpaings, des dalles de parking, des aménagements urbains, des pistes cyclables, etc., soit 80 % des usages de la construction. En outre, il peut s’avérer de plus en plus compétitif économiquement, compte tenu de la hausse du coût de l’énergie. Sans parler de l’esthétisme, puisque les bétons prendront la couleur des terres argileuses locales dont ils sont constitués.
La nécessité impérative d’une révolution écologique fait son chemin dans l’industrie du bâtiment et Materrup a récemment signé des partenariats avec des entreprises de la construction d’envergure nationale et régionale. Restant dans leur logique de proximité et d’économie circulaire, les quatre mousquetaires du « béton vert » ont également conclu un contrat d’approvisionnement avec la tuilerie Edilians, basée à Saint-Geours-d’Auribat, pour utiliser les « stériles », matières premières non utilisables.
Sur la lancée de l’inauguration du 9 septembre à Saint-Geours-de-Maremne, la cimenterie envisage de construire, dans différents territoires, des usines produisant un ciment local en circuit court. Un projet d’implantation dans la métropole bordelaise est très avancé et la startup landaise, forte du label Greentech Innovation (décerné par le ministère de la Transition écologique), a remporté un appel à projets pour valoriser une partie des terres d’excavation du chantier du Grand Paris Express. Pour accompagner cette ambitieuse stratégie de déploiement, Materrup souhaite investir dans la Materrup Factory, une usine à usines, qui se voudra être un pôle d’excellence pour les ciments bas carbone.
Le bâtiment inauguré dans la zone Atlantisud est d’une superficie de 1 250 m2 pour une capacité de production de 50 kilotonnes de ciment. L’entreprise, qui emploie 20 personnes, prévoit 30 recrutements supplémentaires, au minimum. Une croissance exponentielle, à l’image des « délais inouïs » de construction, salués par la préfète des Landes, Françoise Tahéri : « faire sortir de terre cette usine en un peu plus d’un an n’aurait pas été possible sans la synergie des partenaires ».
Les bonnes fées ont en effet été nombreuses autour du berceau de ce champion de « l’attractivité qualitative », pour reprendre l’expression de Cyril Gayssot, conseiller départemental délégué au Tourisme. La SATEL (Société d’Aménagement des Territoires et d’Équipement des Landes) a construit le bâtiment pour un investissement de 1,8 M€, soutenu à hauteur de 160 000 € par le Département. La Région – qui avait voté 120 000 € d’aides à l’innovation - et l’État ont apporté respectivement 300 000 € et 600 000 €, pour les investissements en matériel, sur un montant total de 2,3 M€.
Depuis ses débuts en 2018, Materrup est suivi avec attention par le Département. La startup a été lauréate du Grand Prix de l’Innovation Domolandes en 2019. Durant 3 ans, les frères Neuville et Manuel Mercé ont peaufiné leur stratégie dans les locaux du technopôle dédié à la construction durable, avant de disposer d’une plateforme technique de 300 m2 pour tester leurs produits. « Nous avons accompagné le développement du projet de l’idée à son industrialisation », se félicite Cyril Gayssot.
Et le Département n’entend pas s’arrêter là, comme l’a confirmé Xavier Fortinon, son président, lors de l’inauguration de l’usine pilote : « j’ai demandé à ce que nos services étudient comment intégrer le béton bas carbone dans les appels d’offre de nos futures opérations d’aménagement. Je souhaite aussi que ce nouveau matériau soit pris compte dans notre réflexion, au moment d’étudier la conception des projets de construction. Cela vaut pour les bâtiments publics mais aussi pour le logement avec XL Habitat ».
Le programme
Le parc d’activités de Saint-Geours-de-Maremne, porté par le Département des Landes et la Communauté de communes Maremne Adour Côte Sud (MACS) a été créé en 2004 et la commercialisation des lots a débuté à l’été 2008.
Si un certain scepticisme a accueilli les prémices de cet ambitieux projet de développement économique, le bilan en 2022 dément les Cassandre avec 47 sociétés installées pour un total de 1 500 salariés (chiffres hors Domolandes). L’année 2021 a été exceptionnelle avec 13 cessions pour 8,5 hectares.
Pierre Froustey, président de MACS, s’en réjouit : « on mesure combien la constitution de réserves foncières était nécessaire pour répondre aux besoins des entreprises ». Xavier Fortinon, quant à lui, met l’accent sur le « véritable écosystème » de la construction durable qui s’est développé à Atlantisud, « avec des entreprises comme Materrup bien sûr mais aussi Ouateco, Lespiaucq, Domolandes et son espace de construction virtuelle ».
Pour aller plus loin
Les sites du département