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Village Alzheimer : des premiers enseignements « très encourageants »

12/12/2023

1814 vues

© S. Zambon | Dpt 40

Trois ans après l'ouverture de ce lieu de vie et de recherche, une équipe de l'Inserm/Université de Bordeaux note une stabilité des capacités cognitives des résidents et un meilleur vécu des aidants.

À la fin de la table ronde du 11 décembre réunissant des scientifiques travaillant sur le Village Landais Alzheimer Henri Emmanuelli (VLAHE) implanté à Dax, le témoignage de Michel Unzel dont la maman est résidente ici, a tout résumé : « j'ai pu comparer avec deux Ehpad où elle était avant. Ma mère ne riait pas, ne marchait plus, elle faisait de tout petits pas dans sa chambre, elle était très fermée, très inquiète, très angoissée. Quand on est arrivé ici, que j'ai vu les grands espaces, j'étais inquiet à mon tour. Et puis je l'ai vue peu à peu sourire, rire, déambuler avec son déambulateur. Cela procure une forme de joie, vous ne pouvez pas savoir l'impact que cela a aussi sur la famille ».

Les Villageois peuvent se balader dans le parc paysager de 5 hectares © S. Zambon | Dpt 40

Pas de déclin cognitif les 12 premiers mois

Au-delà de cet exemple qui en dit long, l'étude scientifique présentée au cœur de la bastide innovante s'est attachée à interroger, à ce jour, plus de 160 Villageois, de 42 à 104 ans, tous les six mois depuis plus de deux ans. « Les premiers résultats sont très encourageants et la tendance commence à être solide car le nombre de personnes incluses est important », a expliqué la professeure Hélène Amieva qui dirige l'équipe Inserm-Université de Bordeaux évaluant l'impact du modèle novateur du Village sur la santé des résidents, les proches aidants, les personnels soignants et les bénévoles.

« Sur les six premiers mois, voire les 12 premiers mois, c'est spectaculaire, il n'y a pas de déclin au plan cognitif, pas de dégradation de la qualité de vie mesurée au moyen de marqueurs conventionnels, et on note une stabilité des scores d'anxiété et de symptômes dépressifs. Un faible déclin est constaté à partir des 12 premiers mois », a poursuivi la docteure en neurosciences et neuropharmacologie, pointant des résultats qui contrastent fortement avec toutes les publications internationales sur l'entrée en institution « classique » lors de laquelle les fonctions cognitives des malades d'Alzheimer s'amenuisent rapidement.

Face au public et de gauche à droite, lors de la table ronde du 11 décembre au VLAHE : Hélène Amieva, Jean-François Dartigues, Gaëlle Marie-Bailleul, Bernard Bioulac et Francis Lacoste, modérateur du débat © S. Zambon | Dpt 40

Concernant les aidants, le sentiment de fardeau généralement ne diminue pas avec l'entrée en Ehpad. Dans le Village, les résultats sont là encore assez spectaculaires, avec plutôt une diminution très nette du fardeau des aidants, et un sentiment de soulagement manifesté par les familles. Cela s'accompagne notamment d'une diminution de la consommation d'antidépresseurs et d'anxiolytiques dès six mois.

Citation de Professeure Hélène Amieva, responsable de l'équipe Inserm

Étude comparative avec 11 Ehpad landais

Si cette première étude scientifique au monde dans un village de la sorte n'est pas terminée ni donc encore publiée, ce sont là « des résultats suffisamment frappants et interloquants pour être partagés dès aujourd'hui », s'est félicitée la professeure de psychogérontologie dont les équipes ont commencé le même travail en parallèle dans 11 Ehpad landais pour « voir ce qui se passe mieux ou moins bien par rapport à ces établissements ».

Dans la bastide © S. Zambon | Dpt 40

 

Dans la proximité au quotidien, le Dr Gaëlle Marie-Bailleul, psychogériatre et médecin référente au Village, voit ainsi confirmer ses hypothèses sur l'impact de la philosophie du soin et de l'accompagnement proposée dans ce lieu de vie. « Le principe premier est la liberté d'aller et venir, on laisse aux résidents la possibilité de faire, avec un leitmotiv : vivre ensemble comme à la maison en mobilisant ses capacités restantes et en multipliant les interactions sociales (courses à l'épicerie, confection des repas, coiffeur sur place, etc.). Ici, on se donne au risque de tomber, de se couper avec un couteau de la cuisine, de manger un peu trop comme le frigo est ouvert (…) On n'est pas LE modèle mais c'est un modèle qui est proche d'être le bon ici », a-t-elle dit, au côté des professeurs émérites à l'Université de Bordeaux, Bernard Bouliac qui préside le comité éthique du VLAHE, et Jean-François Dartigues, qui dirige le comité scientifique et souhaite « ouvrir l'an prochain la recherche à d'autres aspects que la seule évaluation comparative de l'évolution des malades, des aidants, des soignants et bénévoles ».

« Inspirer d'autres territoires partout en France »

En attendant la finalisation des études médico-économiques sur le ratio coût-efficacité de ce nouveau type de structure, incluant des données sur la consommation médicale des Villageois via l'Assurance maladie, chacun a souhaité que le VLAHE inspire d'autres établissements. « C'est une pierre pour construire l'édifice de la prise en charge du grand âge », a ainsi relevé le président du Conseil départemental, Xavier Fortinon, saluant des premiers résultats « très encourageants pour alimenter la réflexion des pouvoirs publics et voir si ce modèle est duplicable ».

Avec les ânesses de la mini-ferme © S. Zambon | Dpt 40

 

En conclusion, dans une vidéo pré-enregistrée, la ministre des Solidarités et des Familles, Aurore Bergé, a dit « tout le bien de ce projet unique en France » : « cette initiative landaise doit pouvoir inspirer d'autres territoires partout en France, dans l'hexagone et les territoires ultra-marins ».

En France, trois projets sont en gestation en Champagne, en Martinique et en Bretagne.
 

L'image de la maladie évolue

Entre 2018 et 2021, l'équipe de l'Inserm a également mené une enquête sur les représentations de la maladie, dans un volet plus sociétal, avec notamment des échantillons de populations interrogées avant et après l'ouverture du Village, autour de Dax et dans le Lot-et-Garonne où aucune structure de ce type n’existe. 

Tandis qu’aucun changement n’a été observé au fil du temps dans la façon dont la population lot-et-garonnaise, c’est-à-dire la population contrôle, perçoit la maladie d’Alzheimer, l’échantillon dacquois, exposé à la médiatisation du VLAHE qui s'ouvre sur l'extérieur (présence des bénévoles, concerts, spectacles...), a moins associé à cette maladie « la perte d’identité » qui lui est caractéristique et « le dégoût ressenti envers les personnes » qui en sont atteintes, après l’ouverture du Village.

Une évolution modeste mais positive. « Toute la société est concernée et notre volonté est aussi de « déstigmatiser » la maladie d’Alzheimer dans sa globalité, en prouvant que les interactions sont possibles et bénéfiques », explique Cécile Berthet, directrice du Village.

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