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08/03/2023
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Dans une salle de classe du collège d’Hagetmau, serviettes périodiques, culottes menstruelles, éponges et tampons passent de mains en mains. Pas de gêne apparente chez les élèves de 6e, au contraire : ils répondent avec enthousiasme au quiz concocté par Florence et Sarah, intervenantes de l’association Nouveaux Cycles. Les questions portent sur la puberté, les règles, le coût et la durée d’efficacité des divers types de protection. Aucun sujet ne semble tabou et c’est avec la même bonne grâce que les collégiens improvisent des saynètes sur la notion de consentement. Leur implication frappe, de même que la cordialité des rapports entre eux. Rien d’étonnant pour Marie Musy, en charge des animations à Nouveaux Cycles : « on insiste sur l’aspect ludique et participatif. On pose un cadre de fonctionnement dès le début. Cela favorise l’écoute et la bienveillance. La conversation s’ouvre souvent à d’autres thèmes : la sexualité, le genre, le consentement, la contraception, l’hygiène… »
C’est la deuxième des trois interventions de l’association auprès des 6e du collège Jean-Marie Lonné prévues cette année. Visiblement, Léa, 11 ans, apprécie cet espace d’échange : « c’est trop bien, c’est utile de connaître comment surviennent les règles et quels sont les types de protections. À la maison, je n’arrive pas à en parler. Je suis à l’aise devant mes camarades parce que j’ai confiance en eux. Ça me soulage ». Même son de cloche chez Pablo : « cela fait du bien de parler de ça tranquillement, sans se moquer. Du coup, je l’ai dit à la maison et mes parents étaient contents que j’aie reçu cette instruction ».
Ces ateliers de sensibilisation à la lutte contre la précarité menstruelle ont été préparés en collaboration avec les équipes pédagogiques et avec Élodie Mallet, l’infirmière de l’établissement, qui mène un travail de fond sur l’année : « j’interviens en classe à travers des jeux pour tous les niveaux, sur toutes les thématiques liées à la santé, ce qui comprend les questions relatives à la sexualité ». Ceci illustre l’importance du rôle des personnels médico-sociaux auprès des jeunes au sein des établissements.
Cette expérimentation répond à « un enjeu de santé publique » insiste Rose Lucy, déléguée départementale aux Droits des femmes et à l’Égalité entre les femmes et les hommes : « une personne en situation de précarité menstruelle ne peut pas se procurer de protections, souvent pour des raisons financières ». Selon les estimations, une femme dépense durant sa vie entre 3 400 € et 8 000 € pour l’achat de protections. Mais si l’on inclut les consultations médicales, les traitements, les vêtements à remplacer, etc., le montant réel avoisine les 23 000 €. Un fardeau financier trop souvent insurmontable, pointe Mme Lucy : « à l’heure actuelle, près de 2 millions de femmes accèdent difficilement à ces protections. 150 000 collégiennes ou lycéennes manquent l’école régulièrement à cause de leurs règles et cela peut aller dans certains cas jusqu’à la déscolarisation ».
En 2020, l’État a donc initié une opération de sensibilisation dans les collèges et lycées de l’Académie de Lille. Cette expérimentation a été étendue en 2021 à 5 autres départements : Alpes-Maritimes, Ardennes, La Réunion, Seine-Saint-Denis et Landes. C’est avec enthousiasme que le Conseil départemental s’est engagé, aux côtés de la délégation aux Droits des femmes de la Préfecture et de la Direction des services départementaux de l’Éducation nationale (DSDEN 40). Pour mettre en œuvre ces ateliers, les partenaires ont choisi de concert le projet présenté par l’association girondine Nouveaux Cycles, créée en 2019.
Pour la deuxième année consécutive, 6 collèges landais* accueillent donc 3 sessions d’information et de sensibilisation à destination de toutes les classes de 6e et de 4e, ce qui permettra au terme des 2 ans de toucher une génération entière de collégiens. « Les établissements ont été choisis par le directeur académique en fonction de critères sociaux et ruraux, notamment l’isolement géographique. Nous avons essayé de déterminer des endroits où les besoins d’information se font le plus sentir », explique Annabelle Lerède, chargée de mission d’Éducation à la santé et au secourisme à la DSDEN 40. « Il nous a semblé important d’inclure un internat, d’où le choix de Gabarret », ajoute Rose Lucy.
Ce n’est pas un hasard si les niveaux 6e et 4e ont été visés, éclaire la déléguée départementale aux Droits des femmes : « l’apparition des règles touche déjà beaucoup de jeunes filles dès la 6e tandis que le programme SVT de 4e aborde la question. C’est aussi un âge qui correspond aux prémices de la sexualité ».
Parallèlement, des distributeurs de protections périodiques ont été installés dans les établissements et des kits de culottes menstruelles lavables, fabriquées localement, ont été achetés pour être donnés aux élèves en manifestant le besoin. Une initiative saluée par Léa, bien consciente que « tous les enfants n’ont pas les moyens financiers » de se les procurer.
Le retour d’expérience des 6 établissements est très positif, se réjouit Annabelle Lerède : « cela a modifié les relations entre les filles et les garçons et permis de changer certains comportements. On a réussi à casser quelques tabous et à faire que le sujet soit abordé de manière libre ».
Le recueil de la parole des élèves concernant la précarité menstruelle a permis aussi d’alimenter la réflexion sur l’aménagement des espaces dans les collèges. « L’un des enjeux porte sur l’emplacement des distributeurs mais aussi sur les organisations liées (dont le volet éducatif, la surveillance) de chacun des établissements scolaires », indique Muriel Lagorce.
La vice-présidente du Conseil départemental déléguée à l’Éducation rappelle que, dans le cadre de l’important programme de travaux qu’il mène dans les collèges, « le Département veille à la mise en œuvre des prescriptions et normes règlementaires ». Il va même au-delà, au titre d’un travail approfondi mené avec les collèges par l’intermédiaire du chef d’établissement : « en lien avec les enjeux liés au genre, cette démarche va être prochainement renforcée par des échanges via un groupe de travail avec l’Éducation nationale, visant à aborder plus en détail les liens entre le bâti et les usages, ceci à propos des différents espaces (toilettes, cours, couloirs,…). Cette approche collective nous permettra de déterminer les marges de progrès ».
Les partenaires de l’expérimentation se sont retrouvés au collège de Gabarret ce 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des Droits des femmes. Histoire de mettre en lumière un dispositif qui, en 2 ans, a sensibilisé plus de 2 000 collégiens landais.
* Les 6 collèges : Victor Duruy à Mont-de-Marsan, Félix Arnaudin à Labouheyre, Jean Moulin à Saint-Paul-lès-Dax, Jean-Marie Lonné à Hagetmau, Jules Ferry à Gabarret et Henri Emmanuelli à Labrit. Au collège d’Hagetmau, l’expérimentation ne porte que sur les classes de 6e.
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