Le Ping'Alzheimer, un joyeux rebond pour ralentir la maladie

Tous les mardis après-midi, la sautillante musique des balles de ping-pong résonne gaiement dans la salle de sport du Village Landais Alzheimer Henri Emmanuelli (VLAHE). Autour des deux grandes tables bleues, 5 ou 6 Villageois se relaient, attentifs aux conseils de Myriam, Brigitte ou Christian, licenciés de l’AS Hossegor Tennis de table. Les regards sont concentrés mais le plaisir est palpable. Personne ne rechigne aux exercices proposés même si Bernadette, en accueil de jour, trouve un peu difficile de jouer avec une raquette dans chaque main. Le fin sourire et les yeux brillants de Fred, lorsqu’on le complimente sur la qualité de son jeu, en disent plus que ses mots évanouis. Lise Baussin et Fabien Pradal, l’ergothérapeute et le psychomotricien du Village, veillent au bon tempo des rotations, afin d’éviter tout surmenage physique ou attente excessive. 

Volubile et enthousiaste, Brigitte, originaire de La Rochelle, loue l’état d’esprit de ces sessions sportives hebdomadaires : « ce n’est pas de la compétition, on ne se met pas en colère, on est attentionné. J’ai tendance à m’excuser quand je renvoie la balle n’importe comment. Essayer de bien jouer, c’est de la bienveillance ». Avec le tennis de table du mardi, l’habitante du quartier Chalosse se replonge avec une douce nostalgie dans des souvenirs heureux : « j’y avais joué un petit peu dans ma jeunesse. Ça m’a fait retrouver mon enfance. On aimerait revenir à cette époque, savourer les bons moments avec papa et maman ».

Membre de l’AS Hossegor Tennis de table depuis un an et demi, Brigitte Laulom anime l’atelier ping-pong avec sa coéquipière Myriam Seelweger et le président du club Christian Salgues. En fauteuil depuis un accident de voiture il y a 6 ans, elle est bien placée pour parler des vertus du sport et peut témoigner du succès de l’expérience auprès des Villageois : « ils n’ont pas pris du plaisir tout de suite et, au début, l’infirmière devait aller les chercher. Maintenant, ils sont impatients de venir. C’est du bonheur pour eux mais pour nous aussi ».

L’idée d’un atelier ping-pong a germé fin 2022 dans la tête de Gaëlle Marie-Bailleul, médecin référente du Village Landais Alzheimer, après avoir lu un communiqué de l’association France Alzheimer annonçant le lancement d’une étude scientifique sur les bienfaits du tennis de table pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. Depuis 2019, un partenariat a en effet été noué avec la Fédération française pour le développement de séances de ping-pong adaptées et encadrées par des éducateurs sportifs formés. Les retours des malades et de leurs aidants sont très positifs, mais encore faut-il les valider scientifiquement. 

À peu près à la même époque, Lana Chan, présidente de la fondation hongkongaise Nova Palm, dont une des missions est de mettre le sport, la musique et les arts à la portée des plus défavorisés, visite le Village Landais Alzheimer en compagnie de Françoise Béguin, responsable de l’antenne française. Or, il se trouve que les deux femmes viennent régulièrement « taper la balle » à l’AS Hossegor Tennis de table. Le lien est rapidement fait avec Christian Salgues, président du club, mais surtout entraineur et éducateur Ping Santé. Il s’était d’ailleurs rendu en octobre 2022 au colloque « Prendre la maladie à revers » organisé par France Alzheimer et la Fédération française de tennis de table.

Les choses se mettent dès lors rapidement en place et les séances de Ping'Alzheimer débutent fin septembre 2023. Le rendez-vous est hebdomadaire, attirant au total une quinzaine d’amateurs. Lorsqu’il fait beau, les tables sont poussées dehors, sous les arcades de la Bastide, attirant les curieux et créant une distraction supplémentaire. « On fait 2 sessions d’une heure avec 2 groupes de 5 ou 6 personnes qu’on a constitués en fonction des affinités et de la façon de communiquer, afin que chacun puisse participer sereinement », explique Fabien Pradal, le psychomotricien du VLAHE, qui souligne « une richesse d’échanges intéressante » entre les professionnels du Village et les entraineurs pongistes.

« Au début, je ne passais pas deux balles. Maintenant, je suis beaucoup plus à l’aise. Ça me donne plus d’adresse, d’attention et de concentration », constate Brigitte qui jouerait volontiers plus longtemps. Fabien Pradal confirme cette impression : « cela libère quelque chose. Les personnes s’expriment plus aisément dans leurs mouvements comme dans leurs communications verbales et non verbales, avec un signe de tête, un sourire ». 

Pour le docteur Marie-Bailleul, l’atelier a une autre vertu : « ce que je souhaitais, c’était permettre aux soignants – infirmiers, ergothérapeutes, psychomotriciens -, de créer un espace où ils rencontrent les Villageois autrement. Cela participe de notre philosophie : avoir un regard différent sur la maladie ».