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Vendanges amères

31/08/2021

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© C. Chambres | Dpt 40

À quelques jours des vendanges, les viticulteurs landais redoutent les conséquences de l’épisode de gel d’avril dernier. Pour cette récolte, mais aussi pour la suivante.

De loin, l’image est trompeuse. Les vignes landaises, couvertes de feuilles, masquent une réalité préoccupante. En s’approchant, on se rend compte que les grappes sont clairsemées et peu riches en raisins. Et les chiffres rendus le 17 août par la commission départementale d’expertise sont accablants : 80 % de pertes attendues dans l’Armagnac, 45 % dans le Tursan

Un impact quantitatif et qualitatif

Au domaine du Maouhum, au Frêche, Christelle Lasseignou, qui a également été impactée par le mildiou cet été, sait déjà qu’elle ne récoltera pas de rouges. Elle s’interroge encore sur les blancs dont les rendements annoncés plafonnent à un famélique 2,75 hectolitres par hectare. Pour l’Armagnac, c’est à peine mieux. La récolte 2021 a été évaluée par l’expert en assurances à 21 hectolitres par hectare pour les cépages Baco, à comparer avec les 120 hectolitres par hectare en année normale. Celle qui produit 20 000 bouteilles de Floc par an fait face au spectre d’une année blanche car ses stocks seront épuisés à la fin de l’année : « Si je ne vends pas, je ne suis plus sur le marché. Et si je ne suis plus sur le marché, les concurrents vont en profiter ». Certes, elle peut compter sur l’appui de ses distributeurs mais elle devra se résoudre à acheter des vendanges sur pied en 2021 si elle veut continuer à vendre du Floc.

Christelle Lasseignou dans les vignes du domaine de Maouhum au Frêche © C. Chambres | Dpt 40

 

Le Domaine départemental d’Ognoas ne récolte pour le Floc qu’une année sur deux et n’avait pas prévu de le faire en 2021. Pour l’Armagnac, Sarah Lacquemant, directrice et œnologue du site d’Arthez-d’Armagnac, estime les pertes à 50 %. Un moindre mal, dû au caractère tardif et résistant du cépage Baco, qui couvre 18 des 48 hectares de vignes : « On est toujours étonné avec le Baco. En avril, on ne pensait rien récolter. Quand on a vu que ça repartait, qu’il allait y avoir de la grappe, ça nous a requinqués. Mais le travail en vert (relevage, épamprage, rognage) a été compliqué parce que tout est arrivé en même temps et plus tardivement ».

Dans le Tursan, les cépages rouges, et notamment les cabernets, ont été plus touchés que les blancs. « Si on fait 2 000 hectolitres de rouge de bonne qualité cette année, ce sera déjà bien alors qu’on en produit environ 8 000 normalement », prédit Pascal Chalandré, président de la cave coopérative des Vignerons de Tursan. L’impact économique de ce plongeon quantitatif se fera ressentir l’année prochaine, mais le gel d’avril aura également un impact sur la qualité de la récolte qui sera beaucoup plus hétérogène : « Sur un même rang, il y a 15 jours de différence de maturité entre le haut et le bas des parcelles. Notre œnologue aura une tâche plus complexe pour trouver les bonnes harmonies entre les cuvées ». 
 

Pascal Chalandré constate les dégâts, plus importants sur le bas de ses parcelles de Castelnau-Tursan que sur les hauts © C. Chambres | Dpt 40

Des effets probables en 2022

Selon le viticulteur de Castelnau-Tursan, il faudra nécessairement taper dans les stocks, évalués à 32 000 hl : « on a de quoi tenir jusqu’en décembre 2023, en projetant une récolte 2021 à 50 % et une récolte 2022 à 75 % ». Car les vendanges 2022 souffriront également de la désastreuse météo du printemps 2021. « L’aoûtement, c’est-à-dire l’assèchement du bois, va être de moins bonne qualité car ce sont des tiges de cette année », explique Pascal Chalandré, tandis que Sarah Lacquemant complète : « on va être obligé de tailler court cet hiver, ce qui implique moins de bourgeons et donc moins de grappes pour la récolte suivante ». Des perspectives sombres pour au moins deux ans. 

Tout le travail qu’on a fait depuis plusieurs années pour dynamiser l’image de notre vin peut être réduit à néant par manque de produit.

Citation de Pascal Chalandré, président de la cave des Vignerons de Tursan

Des aides de l'État en trois temps

L’État a débloqué en juin un fonds d’urgence de 118 000 €. 44 producteurs landais en ont bénéficié. Les viticulteurs du Tursan ont touché 2 000 € chacun. « Cela nous a aidés à travailler les jeunes vignes, car on a eu un coût de main d’œuvre supplémentaire », apprécie Pascal Chalandré.

L’avis de la commission d’expertise du 17 août va permettre d’actionner deux autres types d’aides importants pour les agriculteurs touchés. Les taux de perte évalués serviront de base en effet à un dégrèvement sur la TFNB (Taxe sur les propriétés foncières non bâties) ainsi qu’à une prise en charge des cotisations MSA, dont les dossiers doivent être finalisés par les exploitants le 8 octobre. Par ailleurs, des prêts garantis par l’État ainsi qu’un accompagnement de l’activité partielle sont prévus.

Au Domaine départemental d'Ognoas, à Arthez-d'Armagnac © C. Chambres | Dpt 40

 

Le passage du dossier des calamités agricoles devant le CNGRA* ne devrait se faire qu’après les vendanges, pour une reconnaissance en fin d’année, au meilleur des cas. Les taux d’indemnisation sont fixés en fonction des pertes, avec par exemple 40 % pour plus de 70 % de la récolte en moins.

De son côté, le Conseil départemental a déjà voté un crédit d’aides de 300 000 € pour accompagner la filière viticole. Les interventions seront calées en complément des dispositifs mis en place par l’État. D’ores et déjà, la filière viticole sera associée à l’opération « Les Toqués de Canards 2 » qui se tiendra en fin d’année dans les Landes.

* CNGRA : Comité national de gestion des risques en agriculture

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